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mardi, 31 janvier 2006
Citer : un vice dont je ne me lasse pas
Vous trouvez peut-être que j'abuse de la citation. Moi aussi, mais citer est un vice dont je ne me lasse pas, et plutôt que de m'expliquer, et pour éviter de les citer, je vous renvoie aux commentaires de Jules et d'Alice à cette note de M. Gvgvsse, qui cernent très exactement ce que je pense.
00:05 Publié dans Trop intime | Lien permanent | Commentaires (14)
lundi, 30 janvier 2006
Retour de flamme
Quoique Pascal Quignard me semble par trop facilement faire abstraction du rituel social qui s'est peu a peu surimposé à la rigueur liturgique des ténèbres de la pâque chrétienne, cet extrait de Vie secrète me paraît un contrepoint éclairant (sans jeu de mot) à son Georges de La Tour :
Pendant les trois jours qui définissent la pâque selon la liturgie des chrétiens les matines se nomment les ténèbres.
On y éteint le langage jusqu'à s'empreindre de la nuit qui le précède.
Les pâques chrétiennes sont formées de trois temps : le jeudi d'agonie, le vendredi du calvaire, le samedi du sépulcre.
La littérature se tient tout entière présente dans les traits de ce rituel dont la source paraît plus ancienne que le christianisme lui-même. C'est le sacrifice des littera lettre par lettre. Ce sont les trois jours où l'on éteint les lettres de l'alphabet l'une après l'autre. Il s'agit de l'alphabet hébreu, c'est-à-dire phénicien. On éteint aleph. On éteint bet. On éteint gimel, puis dalet... La voix les orne longuement, les cadèle de façon merveilleuse, les retranche de façon bouleversante, avant de les abandonner au silence. C'est ainsi que sont éteintes une à une les lettres qui composent non seulement les mots des hommes, mais le livre où l'Eternel s'est révélé avant l'exil dans Babylone, enfin le nom indicible de Dieu lui-même.
Alors le signe a cessé. Toutes les molécules qui en dérivent ont cessé (nos noms, nos généalogies, nos biens, nos cités, nos amours ne sont plus rien).
Alors le Verbe est mort.
Au reste, la carnovorie, l'anthropophagie, la théophagie cessent pendant trois jours.
Comme dans l'amour, durant le triduum pascal, langage et lumière sont identifiés, nuit et silence sont confondus.
00:05 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 29 janvier 2006
Il fût d'une exquise courtoisie
Ainsi, contrairement à la thèse des philosophes dites de l'existence humaine, la situation propre à la troisième personne grammaticale n'est nullement celle d'une personne "chosifiée" ou "impersonnifiée", car ce peut fort bien être celle d'une personne dont on veut marquer qu'elle ne participe pas présentement à un dialogue avec nous. Pour la même raison, le fait pour un locuteur de se présenter à la troisième personne ne doit pas être compris comme une fuite dans la chosification et l'impersonnel. La troisième personne utilisée en lieu et place de la première peut marquer un retrait du locuteur hors de la relation d'interlocution destiné à se protéger des tensions inhérentes à une confrontation. Mais le "billet à la troisième personne" montre qu'il peut s'agir aussi d'une convention permettant à la personne qui me parle de ne pas interpeller trop brutalement son interlocuteur et d'instaurer entre nous un rapport d'exquise courtoisie.
16:30 Publié dans Noosphérique | Lien permanent | Commentaires (1)
vendredi, 27 janvier 2006
L'embarquement de Ferrando et Guglielmo
Ma contribution à l'année Mozart.
Soave sia il vento
Tranquilla sia l'onda
Ed ogni elemento
Benigno risponda
Ai nostri desir
C'étaient de très grands vents sur toutes faces de ce monde, [...]
« Ô toi, désir, qui vas chanter… » Et ne voilà-t-il pas déjà toute ma page elle-même bruissante,
Comme ce grand arbre de magie sous sa pouillerie d'hiver : vain de son lot d'icônes, de fétiches,
Berçant dépouilles et spectres de locustes; léguant, liant au vent du ciel filiales d'ailes et d'essaims, lais et relais du plus haut verbe -
Ha ! très grand arbre du langage peuplé d'oracles, de maximes et murmurant murmure d'aveugle-né dans les quinconces du savoir...
Port de mer avec la villa Médicis (1637) Claude Gellée dit Le Lorrain
Cosi fan tutte (trio de l'acte I - scène 6) Wolfgang Amadeus Mozart - Lorenzo da Ponte
Vents I (extraits) Saint-John Perse