Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 30 janvier 2006

Retour de flamme


Quoique Pascal Quignard me semble par trop facilement faire abstraction du rituel social qui s'est peu a peu surimposé à la rigueur liturgique des ténèbres de la pâque chrétienne, cet extrait de Vie secrète me paraît un contrepoint éclairant (sans jeu de mot) à son Georges de La Tour :

Pendant les trois jours qui définissent la pâque selon la liturgie des chrétiens les matines se nomment les ténèbres.
On y éteint le langage jusqu'à s'empreindre de la nuit qui le précède.
Les pâques chrétiennes sont formées de trois temps : le jeudi d'agonie, le vendredi du calvaire, le samedi du sépulcre.
La littérature se tient tout entière présente dans les traits de ce rituel dont la source paraît plus ancienne que le christianisme lui-même. C'est le sacrifice des littera lettre par lettre. Ce sont les trois jours où l'on éteint les lettres de l'alphabet l'une après l'autre. Il s'agit de l'alphabet hébreu, c'est-à-dire phénicien. On éteint aleph. On éteint bet. On éteint gimel, puis dalet... La voix les orne longuement, les cadèle de façon merveilleuse, les retranche de façon bouleversante, avant de les abandonner au silence. C'est ainsi que sont éteintes une à une les lettres qui composent non seulement les mots des hommes, mais le livre où l'Eternel s'est révélé avant l'exil dans Babylone, enfin le nom indicible de Dieu lui-même.
Alors le signe a cessé. Toutes les molécules qui en dérivent ont cessé (nos noms, nos généalogies, nos biens, nos cités, nos amours ne sont plus rien).
Alors le Verbe est mort.
Au reste, la carnovorie, l'anthropophagie, la théophagie cessent pendant trois jours.
Comme dans l'amour, durant le triduum pascal, langage et lumière sont identifiés, nuit et silence sont confondus.



dimanche, 29 janvier 2006

Il fût d'une exquise courtoisie

En guise d'au revoir au Vrai Parisien, qui nous quitte pour les rivages de l'Amour, cet extrait de la contribution de Vincent Descombes, "Une philosophie de la première personne", au numéro de L'Herne consacré à Paul Ricoeur, 2004, extrait tiré lui-même d'une note de bas de page de Syntaxe ou l'autre dans la langue de Renaud Camus :

Ainsi, contrairement à la thèse des philosophes dites de l'existence humaine, la situation propre à la troisième personne grammaticale n'est nullement celle d'une personne "chosifiée" ou "impersonnifiée", car ce peut fort bien être celle d'une personne dont on veut marquer qu'elle ne participe pas présentement à un dialogue avec nous. Pour la même raison, le fait pour un locuteur de se présenter à la troisième personne ne doit pas être compris comme une fuite dans la chosification et l'impersonnel. La troisième personne utilisée en lieu et place de la première peut marquer un retrait du locuteur hors de la relation d'interlocution destiné à se protéger des tensions inhérentes à une confrontation. Mais le "billet à la troisième personne" montre qu'il peut s'agir aussi d'une convention permettant à la personne qui me parle de ne pas interpeller trop brutalement son interlocuteur et d'instaurer entre nous un rapport d'exquise courtoisie.

vendredi, 27 janvier 2006

L'embarquement de Ferrando et Guglielmo

Ma contribution à l'année Mozart.


Soave sia il vento
Tranquilla sia l'onda
Ed ogni elemento
Benigno risponda
Ai nostri desir

C'étaient de très grands vents sur toutes faces de ce monde, [...]
« Ô toi, désir, qui vas chanter… » Et ne voilà-t-il pas déjà toute ma page elle-même bruissante,
Comme ce grand arbre de magie sous sa pouillerie d'hiver : vain de son lot d'icônes, de fétiches,
Berçant dépouilles et spectres de locustes; léguant, liant au vent du ciel filiales d'ailes et d'essaims, lais et relais du plus haut verbe -
Ha ! très grand arbre du langage peuplé d'oracles, de maximes et murmurant murmure d'aveugle-né dans les quinconces du savoir...








Port de mer avec la villa Médicis (1637) Claude Gellée dit Le Lorrain
Cosi fan tutte (trio de l'acte I - scène 6) Wolfgang Amadeus Mozart - Lorenzo da Ponte
Vents I (extraits) Saint-John Perse

mercredi, 25 janvier 2006

Mais que diable...

... allait-il faire dans cette galère.

Oui, je sais, ce n'est ni Char, ni Bonnefoy, ni Nerval, ni Jouve, ni Mallarmé, mais cela reflète assez bien mon état d'esprit.

lundi, 23 janvier 2006

Sur le tympan d'une église romane



Maison pour recevoir l'abandon de Dieu,
Dos étréci et bleu de pierres.

Ah! désespoir avide d'ombre,
Indéfiniment poursuivi
Dans son amour et son squelette.

Vérité aux secrètes larmes,
La plus offrante des tanières!




L'art roman - ses églises, ses cathédrales et ses basiliques, ses sculptures et ses peintures - trouve en moi des résonnances profondes, sur les origines desquelles je m'interroge à intervalles réguliers. Ce texte de René Char, retrouvé par hasard à l'occasion d'une recherche d'un nouvel exergue, n'est pas sans apporter quelques indices, probablement.