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dimanche, 05 juin 2005

Scéance onéreuse

Mon billet en sablier du dimanche


« Amour, parce que comme tout le monde j'en ai besoin. Plein.
Bleu, parce que c'est joli, le bleu. Parce que mon âme en est pleine, de bleus.
Couette, fidèle compagne, seule chaleur de mes nuits (sauf des fois). »

- Mais, dîtes moi, vous êtes adepte de l’Oulipo ?
- Non, pourquoi ?
- Vous venez de commencer un abécédaire. C’est peu commun pour une première scéance chez son psychanaliste.
- Ah, mais c’est involontaire. Et qu’est que cela veut dire ?
- Vous vous croyez où ? Ici, c’est moi qui pose les questions ! Cela fera 100 euros.

samedi, 04 juin 2005

Le petit mitron

Mon billet en sablier du samedi


Vingt heures moins quelques minutes, quinze personnes attendent la dernière fournée dans la boulangerie. Tout le monde se regarde en chien de faïence. Soudain, un coup d'interphone. Depuis l'arrière-boutique, le patron annonce que c'est prêt. La boulangère disparaît quelques instants, puis revient avec une panière chargée de... dix baguettes seulement. De toute évidence, il n'y en aura pas pour tout le monde.

Vingt heures plus quelques minutes, quatorze personnes baignent dans leur sang sur le sol de la boulangerie. La tête de la boulangère passée au tranchoir gît parmi les croissants rassis de la veille. Le corps du boulanger est sans vie dans le pétrin. Le petit mitron dort au premier étage. Plus loin, dans un appartement situé dans la rue principale du village, on festoie autour d’un plat de cochonnaille. Il n'y manque pas de pain…

vendredi, 03 juin 2005

Conférence de rédaction

Mon billet en sablier du vendredi


- Salut coco... ça bouste ?
- Oui, m'sieur.
- Alors, ce premier article ? Tu l'as fini ?
- J'ai rédigé le premier jet. Je peux vous le soumettre ?
- Vas-y.
- Je devais écrire un article sur un truc genre nouvelle technologie de l'information. Comme accroche, j'ai choisi l'arrivée du blog. C'est un thème vendeur, je crois.
- Oui.... vas-y, lis le vite !
- Je commence : « Il était une fois… »
- Mais c’est pas le début d’un article, ça, c’est pour un conte. T’as pas aut’chose ?
- Bon, j’avais une autre idée : « Dans les jardins d’Hamilcar… »
- Pourquoi tu parles de jardins, on est pas à Rustica !
- Alors y a ça comme possibilité : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure… »
- Qu’est ce ça veut dire, c’est pas français ce baragoin. Tu commences à me courir sur le haricot, mon zig’
- Et ça, qu’est ce vous z'en dites : « Ce siècle avait deux ans… »
- Mais z’enfin, on est en 2005, le siècle a quatre ans. Bon, j’te laisse une dernière chance.
- J’vous propose : « Ainsi, après bien des années, je me retrouvais chez moi...»
- Tu te moques de moi, tu veux te faire virer avant d’avoir commencé ? Tu vas te retrouver chez toi fissa si tu continues !
- Mais non, seulement les nouvelles technologies de l’information, moi ça m’intéresse pas. Et en plus, les blogs c’est n’importe quoi. Moi ce qu’ j’aime c’est les livres imprimés sur du papier.
- Ouais, mais alors pourquoi t’as postulé à O1 Informatique !!

jeudi, 02 juin 2005

Gault et Millau

Mon billet en sablier du mercredi


Saute d'humeur et coup de gueule sont à venir. Passez votre chemin si vous êtes une âme sensible. Et si vous vous décidez quand même à entrer, prévoyez les tampons auriculaires, ça va hurler !
La musique est mauvaise et envahissante, la cuisine excécrable, le décor horrible, le service antipathique.
Le chef est cyclothimique, le maître d’hôtel dépressif, le sommelier hystérique, la patronne pleine de tocs et le patron plein de tics.
Le vin est bouchonné, le fromage platreux, les poires blettes, les fruits de mers douteux.
Prévoyez aussi le bicarbonate de soude.
Les prix sont excessifs, l’addition salée, la note douloureuse.
Prévoyez surtout la carte bleue.

02/20 L’Auberge Rouge, 75 rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 PARIS Téléphone : 01 42 92 81 00
Ouvert tout les jours sauf lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi et dimanche
Spécialités : Tête de veau à la Ravigote, Pieds et paquets, Soupe à la Grimace

mercredi, 01 juin 2005

Sixte fatale

Mon billet en sablier du mardi


C'est l'histoire d'un ténor qui veut le fauteuil d'une basse....et qui a trouvé l'arme fatale: la sixte majeure !
Mais, reprenons depuis le début, car les racines de la haine entre ces deux chanteurs sont profondes.

En fait, tout avait bien commencé ; Laurent, le ténor, et François, la basse, s’étaient rencontrés à la maîtrise de la cathédrale de Paris. Ils étaient à l’époque tous les deux sopranos, et ils sympathisèrent très rapidement, leur isolement parmi les enfants de bourgeois parisiens les ayant rapproché. En effet, leurs parents, de milieux modestes et provinciaux, s’étaient saigné aux quatre veines pour que les deux enfants puissent assouvir leur passion de la musique au sein du plus prestigieux chœur d’enfant de France.

C’est ainsi que dans les années cinquante, ils participèrent à la grande aventure du renouveau de la musique dite baroque, interprétée sur instruments anciens et selon des techniques redécouvertes par des musicologues passionnés n’hésitant pas à affronter la poussière des bibliothèques et des archives désertées depuis longtemps.
Laurent et François chantèrent notamment lors de la fameuse Messe en Si qui fit tant de bruit le 5 octobre 1955, avec la Grande Porcherie et la Cuisine du Roy dont c’étaient les grands débuts sous la direction de Jean-Pascal Magloire.

La mue venant, leurs professeurs de chant incitèrent les deux amis à perséverer dans la musique baroque, secteur d’avenir dans lequel il n’y avait de problème d’emploi, et où leur moyens vocaux limités seraient largement suffisants. Mais, révolte de la jeunesse trop longtemps soumise, leur choix se porta sur le grand répertoire de l’opéra romantique.

Hélas, la piètre qualité de leurs voix les limita à des scènes de troisième zone dans les provinces françaises et européennes. Afin d’être plus forts face à l’adversité, ils décidèrent de toujours travailler ensemble – peut-être y-avait-il autre chose entre eux, mais la chronique ne le dit pas. En tout cas, c’est grâce à cette indivision qu’ils réussirent à se forger une petite réputation et à intéresser quelques directeurs de théatre.

Voilà une liste de leurs prestations dénichée sur opéradatabase :
La Traviata au Grand-Théâtre de Katovice – François : Giorgio Germont, Laurent : Alfredo Germont
Boris Godounov au Théâtre du peuple de Dniepropetrovsk – François : Boris Godounov, Laurent : le faux Dimitri
Tristan und Isolde au Théâtre municipal de Bad-Godesberg – François : le roi Marke, Laurent : Tristan
Faust au Palais des Sports de Bordeaux – François : Méphistophélès, Laurent : Faust
Elektra à l’auditorium de Maastricht – François : Clytemnestre, Laurent : Electre


Mais l’antagonisme des personnages qu’ils interprétaient, et la médiocrité de leur carrière minèrent petit à petit leur amitié, et ils finirent par se détester profondément, se rejetant mutuellement la responsabilité de leur situation déplorable. Mais impossible de se séparer sous peine de ne plus trouver de contrats.
Cette situation dura jusqu’à leur retraite, qu’ils prirent l’année dernière. Malheureusement, leurs moyens limités les obligèrent à s’installer ensemble à la casa del rosaio, fondée par Riccardo Zvezdo pour les artistes nécessiteux.

Le drame devait arriver, le drame arriva.

François, la basse, avait toujours interprété pendant toute sa carrière des rôles de vieux barbons ; et par mimétisme, il paraissait plus vieux et plus fragile que Laurent, dont les rôles avaient toujours été des jeunes héros fringants. Aussi, le personnel de la maison de retraite était au petit soin pour François, lui réservant notamment le fauteuil le mieux placé devant la fenêtre, près du rosier nain qui avait donné son nom à la casa. Cela avait le don d’exaspérer Laurent, qui décida d’en finir une fois pour toute, et d’une manière particulièrement perverse.

En effet, François avait été traumatisé pendant ses études à la maîtrise de la cathédrale de Paris par les fausses notes émises par les instruments anciens qui accompagnaient régulièrement le chœur. Son système auditif avait été détraqué, et il avait développé une allergie à l’intervalle de sixte majeure, qui le faisait souffrir horriblement et qui l’avait obligé à demander à tous les chefs d’orchestre qu’il avait cotoyés, de jouer faux toutes les sixtes majeures.
Notons qu’aucun auditeur, aucun critique, ni aucun directeur de théâtre n’a jamais remarqué la supercherie.

Plus machiavélique que Machiavel, Laurent avait confectionné sur son Ipod une série de sixtes majeures tirées du répertoire, avec l’aide d’un blog-trotter célèbre. Il profita d’une sieste post-prandiale de François devant le rosier pour lui enfoncer les écouteurs dans l’oreille interne.
La souffrance fut intense, mais de courte durée. Le crime parfait !

Et Laurent put enfin s’installer dans le fauteuil tant convoité.