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mardi, 31 mai 2005

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Mon billet en sablier du lundi


Une étrange sensation au moment où j’arrive chez moi et que je retrouve le double des clefs dans ma boîte aux lettres. Je n’avais pas pensé à cette éventualité en quittant mon appartement ce matin. La porte de l’appartement est fermée à clef. La clé est dans la boîte.
Je suis le gardien des clés depuis si longtemps. Comment ai-je pu faire une erreur pareille ? Jamais je ne laisse traîner le double dans l’appartement. L’un d’entre eux m’a sûrement espionné et a trouvé la cachette, pourtant ingénieuse.



Tous ont dû s’enfuir, à cette heure-ci. La vengeance du maître va être terrible. Ma distraction devient vraiment très génante, ces derniers temps, et puis je commence à avoir un âge canonique. Il faut dire que j’étais le premier d’entre eux, c’est la raison pour laquelle le maître m’a confié les clés, et la charge de les surveiller.
Et puis leur nombre ne cesse d’augmenter. Bientôt, il n’y aura plus assez de chambres dans l’appartement.

En bas, ils me croient débonnaire, ils pensent que ma mission ne provoque chez ceux que j’accueille que de la sympathie et de la bonne humeur. S’ils savaient comme ils se trompent. Le dernier arrivé l’avait bien compris, ou à tout le moins il l’avait subodoré. Il a résisté, avant de venir, tant qu’il a pû. Cela fait cinq ans au moins que sa chambre était prête, et il n’est arrivé que cette année.

C’est que le maître a décidé dès le début de les enfermer, aussi bien pour leur sécurité que pour le bien-être des autres. Ils ont provoqué tellement de discordes, là-bas, qu’il était hors de question qu’ils recommencent, ici.
Imaginez l’ambiance qui peut régner dans cet appartement : certains sont de la même famille, celui là a empoisonné tel autre, on murmure qu’il y a même un père et son fils. En plus, ce sont presque tous des italiens : quel charivari !

Bon, allons ouvrir la porte, et vérifier qui manque à l’appel.

Heureusement, ils sont tous là, il n’y a qu’un des Clément qui est parti. Il est vrai qu’une grande fête est organisée en son honneur au village, pour ses 700 ans. Il a dû vouloir y participer. Mais je n’aurai pas de mal à le rattraper rapidement, il est tout le temps malade.

lundi, 30 mai 2005

Es ist vollbracht

18:25 Publié dans Brève | Lien permanent | Commentaires (2)

vendredi, 27 mai 2005

Semaine chargée

Lundi: Nelson Freire est un très grand pianiste ; les sonorités qu'il tire de son piano sont inouïes. Il arrive à transcender complétement un programme extrêmement classique (les sonates Alla Turca de Mozart, Clair de lune de Beethoven, en si bémol mineur de Chopin), en prenant des risques insensés, et en les assumant.
(Nelson Freire - Grand Théâtre de Bordeaux - 23 mai 2005 - Bach/Siloti, Mozart, Beethoven, Chopin, Villa-Lobos)


Mardi: Ce fut une double première fois pour moi: premier spectacle à l'Opéra Bastille, premier Boris sur scène. De plus, je n'avais pas écouté cette oeuvre depuis très longtemps. Excellente soirée, malgré une mise en scène purement décorative et parfois agaçante, un prince Chouiski à bout de souffle et un faux Dimitri pas à la hauteur. Je ne parle ici que des interprètes, Zvzedo s'étant chargé de l'oeuvre (je trouve comme lui l'acte polonais faible musicalement et inutile dramatiquement).
(Vladimir Vaneev, Gaële Le Roi, Aleksandra Zamojska, Irina Bogatcheva, Nikolai Gassiev, Sergei Murzaev, Gleb Nikolski, Viktor Afanasenko, Elena Manistina, Vladimir Ognovenko, Mikhail Petrenko, Aleksander Podbolotov, Elena Bocharova, Vsevolod Grivnov, Igor Matioukine, Yuri Kissin, Sergei Stilmachenko, Alexandre Ekaterininski, Orchestre de l'Opéra national de Paris, Alexander Titov- Francesca Zambello - Opéra Bastille - 24 mai 2005 - Moussorgski: Boris Godounov )


Mercredi: La mise en scène et l'interprétation ne rendent vraiment pas justice au texte très moderne, violent et grinçant de Copi. [s] va jusqu'à comparer le résultat à un soirée d'Au Théâtre ce soir, eu égard notamment au décor et à son utilisation, et je ne suis pas loin de partager cet avis, nonobstant les quelques scènes de nudité, agréables à regarder, ma foi. Certes, il s'agit d'un certain coté d'un vaudeville, mais réduire la pièce à cela l'appauvrit grandement. De plus, les acteurs jouent bien platement et sans vraie folie, hormis Marina Foïs dans un rôle que l'on dirait écrit pour elle. Lisez Matoo pour un avis plus positif que le mien.
(Jean-François Auguste, Marcial de Fonzo Bo, Marina Foïs, Mickaël Gaspar, Pierre Maillet, Clément Sibony - Marcial de Fonzo Bo - Théatre national de Bordeaux en Aquitaine, salle Vitez - 25 mai 2005 - Copi: La Tour de la Défense)


Jeudi: Nelson Freire n'a pas changé depuis lundi, c'est toujours un grand génie. Et, une fois n'est pas coutume, le chef est à l'unisson. Kristjan Järvi dirige en deuxième partie une cinquième d'anthologie, violente, sauvage, et en même temps parfaitement maîtrisée et précise. Une redécouverte de ce chef d'oeuvre.
(Nelson Freire, Orchestre national de Bordeaux Aquitaine, Kristjan Järvi - Grand Théâtre de Bordeaux - 26 mai 2005 - Beethoven)


Vendredi: En fin de compte, je ne suis pas sorti. Chaleur trop lourde, fatigue.
(Gus van Sant - 27 mai 2005 - Last days)


Samedi: Prenons des forces avant le référendum - tous les convives votent oui.
(Jardin d'une échoppe bordelaise - 28 mai 2005 - Couscous et pâtisseries algériennes)


Dimanche: Pique-nique post-référendaire, sur les bords de la Garonne, si le temps le permet.
(Jacques Chirac - France - 29 mai 2005 - Referendum pour l'approbation du TCE)

dimanche, 22 mai 2005

Traditions

Je suis généralement fasciné par les traditions, dès lors qu’elles n’ont pas conservé de caractère totalitaire, et qu’elles ne sont pas devenues folkloriques. Elles permettent, à leur meilleur, de s’inscrire dans une histoire et une mémoire.
L’Alsace est une terre de traditions, en particulier musicales. C’est ainsi que l’Orchestre philharmonique de Strasbourg fête cette année ces 150 ans, et le Chœur de Saint Guillaume ces 120 ans. Notons encore que le festival de Strasbourg a été créé en 1932.

Mon propos n’est naturellement pas de vous narrer la chronologie de ces institutions, mais simplement de vous faire partager le sentiment, très cérébral j’en conviens, que j’ai pu éprouver en assistant à l’un ou l’autre concert, en ayant à l’esprit une photographie ou un programme entrevus ici ou là.

Gustav Mahler dirige le 22 mai 1905, au Palais des Fêtes, l’orchestre de Strasbourg dans la «Neuvième Symphonie» de Ludwig van Beethoven

Programme du premier concert du premier festival de Strasbourg

Malheureusement pour l’esprit des lieux, mais heureusement pour le confort des musiciens et des spectateurs, les spectacles symphoniques ne se déroulent plus au Palais des Fêtes. L’épaisseur historique fait donc défaut aux concerts actuels de l’orchestre philharmonique.

En revanche, le chœur de Saint-Guillaume exécute toujours dans l’église éponyme, chaque Vendredi Saint depuis 1894, une Passion de Jean-Sébastien Bach – alternativement Saint-Jean ou Saint-Matthieu – comme le veut la tradition créée par Ernest Munch.


Et l’émotion est bien réelle : l’œuvre y est pour beaucoup, bien évidemment, le moment aussi, qui rend ce concert quasi liturgique – même pour un mécréant - sentiment renforcé par l’absence d’applaudissements finaux ; mais la mémoire des lieux est véritablement palpable, ou plutôt la mémoire des hommes qui ont participé à ces célébrations de Bach et de la Passion du Christ depuis plus d’un siècle : la famille Munch, Albert Schweitzer, qui tînt l’orgue, les choristes anonymes qui se sont succédés, et aussi les générations de spectateurs, fidèles pourrait-on dire.

mercredi, 18 mai 2005

Yquem


Curieusement, le château le plus célèbre du Sauternais est le seul à ne faire l'objet d'aucun panneau indicateur.

21:05 Publié dans Brève | Lien permanent | Commentaires (7)

Dates


5 octobre 1582
22 mai 1905
28 juillet 1750
29 mai 2005
5 juin 1305
30 juin 1962
1 juillet 1995
24 février 1607
3 septembre 1992
5 avril 1653
28 octobre 1909
1er janvier 1677
6 juin 1875
12 février 1989

vendredi, 13 mai 2005

Autriche - Hongrie

Joseph Haydn a beaucoup composé à Esterhaza pour le prince Esterhazy. Cela n'est cependant pas suffisant pour justifier une interprétation par trop alla ungaresca du quatuor opus 74 n°3, dit "le Cavalier".
(Quatuor Prazak - Grand Théâtre de Bordeaux - 12 mai 2005 - Haydn, Zemlinsky, Brahms)

mardi, 10 mai 2005

La salle Rothko de la Tate Modern


Rouges profonds, bruns sombres , noirs dramatiques.
La lumière et l’obscurité, l’obscurité contre la lumière, l’obscurité sous la lumière, la lumière dans l’obscurité.
Salle obscure, contemplation de la couleur, sensation de vibration, intensité, silence.







Dans le discours de Flaran, Renaud camus cite Frederic Matys Thursz ; celui ci parle de Rothko:
«Le déploiement de ces toiles demeure indélébilement gravé en moi comme l'essence même de la peinture en tant que signification
Ce n'est plus seulement la figuration, qui est ici dépassée, ou transcendée ; c'est l'abstraction elle-même : «Il y a au-dessus du physique de la peinture une spiritualité, une transcendance. Pour moi, la peinture, sa matière, sa couleur, sa lumière peuvent tout interpréter. Nous n'avons pas besoin de la figuration, de l'abstraction… La peinture par ses propres moyens peut diriger l'esprit vers l'inconnu.»
«La peinture est silence, écrit-il encore, sa couleur une intrusion comme l'est le bruit dans le royaume du silence. Pareille intrusion devient sensation, simulation, significations et dimensions simultanées qui ébranlent la fascination de l'absence vis-à-vis de la présence – un état élémentaire, mais non pas minimal, car l'élémentaire a la capacité du maximal.»

lundi, 09 mai 2005

Face à face à la Tate Modern


Jules Olitski - Instant Loveland



Claude Monet - Nymphéas


dimanche, 08 mai 2005

Saenredam et Vermeer


L’accrochage de la National Gallery de Londres est particulièrement intelligent, et offre de passionnantes rencontres et de multiples occasions à l’esprit de divaguer dans l’escalier.


C’est ainsi que l’Intérieur de la Grote Kerk à Haarlem de Pieter Saenredam est placé, sur les cimaises, entre les deux Jeunes femmes au virginal de Vermeer, l’une assise, l’autre debout.
De cette façon, la banalité de la juxtaposition simple des deux chefs-œuvres de Vermeer est évitée, tout en permettant leur rapprochement, qui est évidemment intéressant. La difficulté de trouver un tableau qui, à la fois, ait suffisamment de caractère pour ne pas pâtir d’un tel voisinage, mais ne soit pas non plus trop écrasant afin de ne pas nuire aux deux jeunes femmes s’exerçant à un art délicat dans un format modeste, a dû occasionner bien des insomnies au conservateur en charge de la question ; en tout cas je lui fait l’honneur de le croire au vu du résultat :



Une scène intimiste d’intérieur eut introduit des dissonances, un paysage hollandais eut été trop prosaïque, le genre religieux est bien entendu hors de question ; à la réflexion, un intérieur d’église s’impose ; à la fois intime – c’est la maison de Dieu – et offrant de larges espaces de respiration. Pieter Saenredam devient alors une évidence, par la précision de son dessin, et la tonalité générale de sa palette très claire, avec quelques contrastes forts.

C’est alors que me revint à l’esprit ce texte de Roland Barthes, lu récemment sur Terrains vagues:

"Il y a dans les musées de Hollande un petit peintre qui mériterait peut-être la renommée littéraire de Vermeer de Delft. Saenredam n'a peint ni des visages ni des objets mais surtout l'intérieur d'églises vides, réduites au velouté beige et inoffensif d'une glace à la noisette. Ces églises, où on ne voit que des pans de bois et de chaux, sont dépeuplés sans recours, et cette négation-là va autrement loin que la dévastation des idoles. Jamais le néant n'a été si sûr. Ce Saenredam aux surfaces sucrées et obstinées récuse tranquillement le surpeuplement italien des statues, aussi bien que l'horreur du vide professée par les autres peintres hollandais. Saenredam est à peu près un peintre de l'absurde, il a accompli un état privatif du sujet, plus insidieux que les dislocations de la peinture moderne. Peindre avec amour des surfaces insignifiantes et ne peindre que cela, c'est déjà une esthétique très moderne du silence."
Roland Barthes, Essais critiques



Le XXIe siècle n’est pas encore sorti de la hiérarchie des genres telle qu’elle a pu exister jadis, et très formellement à certaines époques ; et cruellement pour l’ambition de Greuze par exemple.
Cependant, on peut reconnaître que le génie, et la renommée littéraire de Vermeer ne tiennent pas uniquement aux sujets qu’il a peint, mais surtout à la manière dont il l’a fait.
D’autre part, dans sa description, précise, d’églises hollandaises vides et claires – en fait vidées de leurs statues et de leurs vitraux par l’iconoclasme – Saenredam fait œuvre, en l’occurrence, de réalisme, bien plus que, par exemple, son compatriote et contemporain de Witte, beaucoup plus sujet à l’invention.

Vouloir faire de Saenredam un précurseur des dislocations de la peinture moderne et d'une esthétique du silence me semble être un anachronisme, par méconnaissance du contexte, ce qui le rend peu pertinent.