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jeudi, 20 octobre 2005

de B à C

Ni Carcassonne, où l’on voit des châteaux grands comme ceux de Babylone
Ni Capri, parce que c’est fini
Ni Chatenay-Malabry, où Cécile avait cinq ans et demi en mille neuf cent quatre-vingt-trois
Ni Cologne, en face du Rhin, où j'ai voulu partir, et chercher les vestiges d'une espérance
Ni Caen, où vont les cars partant au quart
Ni Catane, en provenance de Fez dans la galère capitane
Ni Calais, dont la citadelle est assise en mer comme un palais
Ni Cadix, où la belle à des yeux de velours
Ni le Cantal, où était Hortense
Ni Casablanca, où as time goes by
Ni la Canebière, qui finit au bout de la terre
Ni Chandernagor, où il n’est pas question dans ces conditions d'abandonner les Comptoirs de l'Inde
Ni Clairvaux, où la règle, déjà, se remet
Ni Canton, dont la feuille, et la fève de Moka, vont verser leur nectar dans l'émail du Japon

Mais Chartres « Voici le paradis retrouvé ! »


Ce Pays est plus ras que la plus rase table.
A peine un creux du sol, à peine un léger pli.
C'est la table du juge et le fait accompli,
Et l'arrêt sans appel et l'ordre inéluctable.

Mais vous apparaissez, reine mystérieuse,
Cette pointe là-bas dans le moutonnement
Des moissons et des bois et dans le flottement
De l'extrême horizon ce n'est point une yeuse.
Charles Péguy




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Il est fort possible que cette note paraisse fort obscure à bien des lecteurs ; aussi je précise, qu'après avoir sévi pendant six années à Bordeaux, je m'apprête à rejoindre, en début d'année prochaine, Chartres et la plate Beauce.

dimanche, 09 octobre 2005

Etre ou ne pas être...

Je partage l’avis de Monsieur Gvgvsse sur les questionnaires qui circulent en chaînes sur les blogs, symptôme de la paresse du blogueur, abus du second degré, sujets convenus, lieux communs des listes… [à la lumière du message d'un blogueur qui s'est senti visé par cette tirade moralisatrice, je m'aperçois qu'elle peut effectivement être mal prise, et je précise qu'il s'agit en premier lieu d'une autocritique, en particulier concernant les listes.]

Cependant, parce qu’il y a répondu malgré tout, parce que Guillaume a fait de même, et surtout parce que Madame de Véhesse me l’a demandé, je vais me plier à l’exercice, à partir de la reformulation de Guillaume.


Cinq choses que j'aimerais faire avant de mourir :
Voir toutes les œuvres de Vermeer, de Giorgione, du Caravage (entre autres) ; boire tous les meilleurs vins des vignobles français, et italiens, et espagnols et allemands (au hasard Yquem, Petrus, Corton-Charlemagne, Romanée-Conti, Château-Grillet, Coulée de Serrant…) ; visiter toutes les églises, cathédrales et basiliques romanes ; vivre en Italie, à Londres, en Allemagne, à Anvers… ; tout revoir (là j’ai copié).

Cinq choses que je fais bien ou volontiers :
Rester impassible ; classer et ranger ; la cuisine (les jours de fête) ; relier les choses entre elles ; remettre au lendemain.

Cinq choses que je fais mal ou pas du tout :
Téléphoner ; dire « je t’aime » ; croire en Dieu ; *** ; parler de sexe (là aussi j’ai copié).

Cinq choses qui m'attirent chez l'autre :
L’âme, les ondes, les ombres, les soleils, les traces de [ses] yeux.

Cinq expressions favorites :
Je n’ai pas d’expression favorite, j’emploie sûrement certaines expressions plus que d’autres, mais contre ma volonté consciente.

Cinq célébrités irrésistibles :
Non, là je ne peux pas (et pourquoi pas cinq célébrités à emporter sur l'île déserte ?).

Cinq dont je veux connaître les réponses à ce questionnaire :
Un sursaut de cohérence me retient de répondre là aussi.

mercredi, 05 octobre 2005

Ceci n'est pas non plus une note sur Venise

Ce texte superbe est un peu long, mais je tiens à le présenter sans coupure, car il est parfaitement construit et cohérent. Evidemment, l’appréciation portée sur Tintoret, puis sur Victor Hugo, en fera réagir plus d’un.
Cependant, il n’est pas niable que la description des œuvres du Tintoret ne manque pas de pertinence, même si les conclusions qui en sont tirées peuvent paraître outrées ; mais elles sont liées à l’hostilité de l’auteur envers une certaine forme de romantisme, et à son amour de la tragédie classique.

Je ne puis me faire à Tintoret. Ce qu’on appelle sa puissance, n’est à mes yeux que de l’abondance du désordre. Il n’est ni vrai, ni au-dessus de l’image vulgaire. Il est romantique jusqu’à la frénésie.
La puissance de l’artiste, je ne la reconnais qu’à la profondeur du coup qu’il frappe ; et de même, à la beauté de la mélodie, qu’il révèle une fois pour toutes ; à l’intensité de l’harmonie qu’il est capable de produire. Un petit tableau y suffit, sur un chevalet. Mille lieues de peinture y peuvent échoue. La couleur de Tintoret est noire, lourde, monotone. Son style, plus que l’éloquence, est l’emphase continue. On n’est pas puissant parce qu’on lance cinq cents figures sur une muraille : un seul visage qui ne s’oublie plus, telle est sa force.
Cet homme est à l’art ce que l’athlète est à la beauté divine. Avec son mufle, ses muscles pareils à des tumeurs, l’athlète au front bas, aux narines camuses, le visage cousu de cicatrices et renflé de bosses, est un géant peut-être, mais aussi une brute. L’athlète a beau passer sa vie dans l’arène et dans l’exercice de ses forces : toujours, il improvise. Ainsi Tintoret est l’Improvisateur de peinture. Il vient à bout de toute surface. Il abat toute besogne. Il est virtuose prodigieux. Qu’on lui donne la Grande Muraille : il la peindra depuis la Corée jusqu’au désert de Gobi ; il y décrira toute l’histoire de la Chine.


Ce talent est énorme ; mais il est laid. Il est outré. Il n’est jamais à l’échelle, non pas de la grandeur, mais de sa propre éloquence. Il dit si fort ce qu’il veut dire, qu’on ne l’entend plus. Il a plus de pensée qu’il n’en faut pour nourrir tous les peintres de Venise ; et tant il est habile, il semble ne pas penser.
N’ose-t-on pas le mettre au rang des grands tragiques ? et qui ne parle de sa vertu pour le drame ? Telle est l’illusion du vulgaire : le geste passe pour l’action ; le tumulte, pour la tragédie ; le bruit, pour la force sonore. Mais l’éternelle agitation de Tintoret est l’aveu qu’il n’est point tragique. La véritable tragédie sera toujours dans le cœur des héros, et de leurs passions. Voilà ce qui décide souverainement de leur sort, et même des paroles capitales qu’ils disent, celles où l’homme suscite son destin, où le destin se rend visible et descend. Or ces paroles fatales, le silence qui précède et le silence qui les suit, en font seuls le prix.
Le vulgaire croit voir la tragédie dans la mêlée des personnages ; et plus ils sont, plus on se flatte de plonger dans le drame. On s’en éloigne, au contraire ; on l’oublie. La bataille n’est pas tragique, non plus que l’inondation ou le tremblement de terre. Ce ne sont que des convulsions confuses. Il n’y a de drame qu’entre un petit nombre de héros. Tout le reste est inutile ; ou pour mieux dire, tout le reste est cortège, jeu de scène et comparses. Si l’on veut que Tintoret soit tragique, il ne le fut jamais qu’à la manière de Dumas le père, et des autres énergumènes, qu’un demi-siècle a ruinés sans retour, tant ils sont vains et puérils. Tintoret, lui, a du style ; il se sauve par là, comme tous. Trop de force, en lui, trop d’éloquence, trop de chaleur pour ne point faire penser à un maître. Et, en effet, de tous les hommes, Tintoret me semble le plus voisin de Victor Hugo.
Son drame sans émotion et sans âme, n’y ayant d’émotion que de la vérité profonde, quand le cœur et les passions sont à nu ; son style formidable, et toujours un peu creux ; son éloquence qui ne saurait tarir ; son goût du contraste, jusqu’à la grossièreté ; sa manie des ombres compactes ; sa faculté de répéter cent fois ce qui ne vaut pas souvent la peine d’être dit ; sa puissance plastique et sa pauvreté intérieure : tous les dons de Tintoret me font voir en lui le Victor Hugo de la peinture.
André Suarès Voyage du Condottière (Vers Venise)


7 octobre: la discussion se poursuit ici et


mardi, 04 octobre 2005

Ceci n'est pas une note sur Venise

This is so contemporary, contemporary, contemporary

dimanche, 02 octobre 2005

Une visite à l'Académie

Paolo Veneziano Poliptyque
Paolo Venziano Vierge à l’enfant avec deux commanditaires
Jacobello Alberegno Poliptyque de l’Apocalypse
Antonio Vivarini Vierge à l’enfant
Cima da Conegliano Incredulità di San Tomaso e San Magno d’Oderzo
Cima da Conegliano Madonna d’all arancio tra i santi Lodovico da Tolosa e Girolamo
Vittore Carpaccio Crucifixion et apothéose des 10 000 martyrs du mont Ararat
Vittore Carpaccio Présentation de Jésus au Temple
Cosmè Tura Vierge à l’enfant
Giovanni Bellini Pietà
Giorgione La Tempête
Giogiorne La Vieille Femme


Cessons là cette énumération, qui pourrait devenir fastidieuse, et laisser croire que je verse dans le procédé, alors que mes lecteurs fidèles se souviennent que je suis facilement las des listes.
La liste des rencontres avec Venise « et » la Peinture est donc longue, d’intensités et de qualités diverses – éblouissement, charme, séduction, virtuosité, surprise, curiosité, émotion, étonnement, ravissement, engloutissement, submersion, réflexion -, la visite de l’Académie étant à cet égard une sorte d’apothéose, et je la recommande en fin de séjour par conséquent, contrairement à Frédéric Vitoux.

La qualité de l’effet du Tintoret, de Bellini, du Titien, de Véronèse tient en partie au fait que, in situ, dans les chiese et les scuole, l’impression, produite par l’émotion autant que par la réflexion, que ces peintres et ces œuvres sont à leur place et de leur époque, vous sautent aux yeux, au cœur et au cerveau.

Seuls deux artistes me semblent échapper à cette parfaite adéquation, et ainsi se rattacher à la catégorie – qui n’en est une que pour moi – des anachroniques, mais tandis que l’un regarde vers le passé, l’autre est regardé par l’avenir.


En effet, le luxe de détail des architectures, des paysages et des personnages des arrières plans, la somptuosité des étoffes, la représentation minutieuse de la faune et de la flore, les chevaux et les dragons, la représentation dans un même plan de plusieurs actions successives, tout cela qui fait que l’on admire Carpaccio vient - ou semble venir - des primitifs flamands, de Van Eyck, de Memmling ou encore d’Uccello.

En revanche, tout - et tentant de détailler ce tout, je m’aperçois que je ne le peux pas – nous parle par dessus le temps, devant Giorgione, et les siècles suivant le sien ont dialogué continûment avec lui.


La Tempête notamment –mais comment oser écrire quoi que ce soit sur ce tableau– la Tempête… Toute l’Histoire de l’art nous dit d’admirer la Tempête. Et l’Histoire de l’art a raison. La Tempête est une séductrice, elle m’a attiré de loin, quoique de biais, elle m’a retenu, elle m’a absorbé, un groupe de japonais m’a rejeté (emporté par la foule), je suis revenu, puis il a bien fallu partir (col tempo, va, tout s’en va).

Revenu à Bordeaux, et consultant mon petit carnet, je m’aperçus que ma permière œuvre de Giogione n’était pas la Tempête, mais il Tramonto de la National Gallery à Londres, dont je n’avais pas gardé mémoire. Un instant, je crus que Saint Georges et le dragon du Tramonto allait faire le lien entre Giorgione et Carpaccio, mais non, il ne s’agit que d’un ajout d’une restauration recente. Et déçu de ne pouvoir éblouir mes lecteurs par ma merveilleuse perspicacité, je clos ici ma dernière note…


…sur Venise.


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Les liens vers le Nouvel Observateur sont en provenance de la rubrique Venise / Actualités de la Panse de l’Ours, qui m’a fait le plaisir de me citer, et que je remercie.