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mercredi, 23 mars 2005

Jeu de miroirs


Cherchant par les moyens les plus démagogiques à augmenter mon audience, j’ai décidé de me lancer dans le jeu à caractère ludique, mais néanmoins culturel.

A défaut d'un jeu de perles de verre, voici donc un jeu de miroirs, tirés de tableaux peints par des artistes flamands. J’attends de vous, et dans le bon ordre s’il vous plait, le nom du peintre et le titre du tableau (le premier est très facile, je vous ai déjà donné la réponse; à mon avis vous allez buter sur le cinquième).

1

2

3

4

5


Je réfléchis encore à la récompense accordée au vainqueur.

Les réponses sont:
1) Jan Van Eyck : les époux Arnolfini
2) Quentin Metsys : le prêteur et sa femme
3) Robert Campin : Saint Jean Baptiste du triptyque de Werl
4) Petrus Christus : Saint Eloi l'orfèvre
5) Hans Memling : la Vierge à l'enfant du diptyque de Martin Van Nieuwenhove

samedi, 19 mars 2005

Autoportraits



Tout a pour origine une lecture, comme d’habitude (lire, c’est vivre). Aujourd’hui, il s’agit de Bach, dernière fugue d’Armand Farrachi, et en particulier les pages ultimes sur l’ultime contrepoint de l’Art de la fugue de Jean-Sébastien Bach, une quadruple fugue à trois sujets qui clôt fortuitement ce chef d’œuvre inachevé – ou plus justement chef d’œuvre d’inachèvement.
L’auteur y tente une méditation, quasi métaphysique, sur cette fugue et l’Art de la fugue, méditation bien trop romantique à mon goût, quoique attirante. Il faut reconnaître que ce travers a ses quartiers de noblesse :

«Ueber diese Fuge, wo der Nahme B.A.C.H. im Contrasubject angebracht worden, ist der Verfasser gestorben» («Sur cette fugue, où le nom de B.A.C.H. est utilisé comme contre-sujet, est mort l’auteur») écrivit une main apocryphe et anonyme sur les portées restées vides du manuscrit.

Je n’ai nulle intention de m’engager dans un analyse de l’Art de la fugue, d’autres que moi ayant plus de talent pour cela.
Non, encore une fois, le dieu lare, esprit de l’escalier, se joue de moi à la lecture de ces quelques phrases :
«En s’avançant dans la quinzième fugue, et craignant de s’être trop identifié à son travail, une nouvelle idée retient néanmoins le vieux Cantor : devenir la fugue qu’il écrit. En la signant des quatre lettres B A C H, soit si bémol la do si bécarre, il finirait magistralement son travail, comme un peintre d’autrefois aimait à se représenter dans un coin du tableau, ce qu’il avait souvent fait par jeu dans l’improvisation mais jamais dans la gravure »

Le parallèle entre le compositeur et le peintre est séduisant. Cependant, la présence de Bach dans son œuvre me paraît au premier abord si puissamment incarnée – physiquement, symboliquement, sensiblement, mais jamais ostensiblement – , qu’aucun tableau de peinture ne me semble pouvoir soutenir la comparaison – trop d’évidences ou trop d’anecdotes.

Mais le colimaçon cheminant lentement ne se laisse pas abuser par les premiers abords.


Comme vous êtes des lecteurs cultivés, vous avez reconnu le miroir des Epoux Arnolfini de Jan van Eyck. En voici la confirmation :
«Johannes de Eyck fecit hic»

La présence du peintre dans son tableau, oserais-je le dire, est aussi riche, complexe et incarnée que celle du compositeur dans l’Art de la fugue.

Naturellement, cette présence est en premier lieu tautologique : le peintre a peint, les modèles ont posé. Mais le peintre s’est peint ; autoportrait central, quoique caché, au deuxième plan d’un reflet. Enfin le peintre est aussi témoin, attestant par sa présence le mariage des époux Arnolfini. Et se peignant témoignant, le peintre disparaît ainsi du tableau, au contraire de Vélasquez dans les Ménines.

Présence absente du peintre, incarnation symbolique du compositeur.

(à suivre)

16:15 Publié dans Bach, Peinture | Lien permanent | Commentaires (7)

vendredi, 11 mars 2005

Ce Christ n'est pas catholique


Récemment, les rapports entre sacré et profane ont fait l’actualité sur les blogs que je fréquente (ici, , ou encore , et je rajoute ceci). La concordance des formes, plus encore que leur permanence, y est pour beaucoup.
Je ne souhaite pas entrer dans ces querelles byzantines, pour l’essentiel sémantiques, mais simplement exposer les réflexions qu’elles ont entraînées dans mon escalier.

Le caractère profane de nombreuses œuvres à sujet religieux, conçues initialement comme objets du culte, est souvent mis en avant pour justifier le caractère sacré d’œuvres profanes. L’exemple le plus cité est l'Extase de Sainte-Thérèse du Bernin (chapelle Cornaro, Santa Maria della Vittoria, Rome).


Mais cette œuvre est elle vraiment profane ? Certes, le Bernin a, peut être, pour modèle une extase amoureuse, mais son discours est clair et s’inscrit parfaitement dans la rhétorique baroque de la contre-réforme, bien qu’il puisse y avoir là, comme ailleurs, une tentation du détournement, tant les sentiments des saints, des saintes et des prophètes, des apôtres, du Christ ou de Dieu lui-même peuvent paraître humains, trop humains.

Alors, y a-t-il des œuvres sacrées profanes ?

Je dois d’emblée, avant de continuer, déclarer ma dette à l'égard de PZ, qui m’a incité à la lecture d’André Suarès.
Le Condottiere en voyage vers Venise séjourne à Bâle, qui le séduit grandement (ce ne sera pas le cas de toutes les villes d’Italie, loin de là), et visite bien évidemment le Kunstmuseum. Il décrit l’impression qu’il retire de la vision du Christ mort de Holbein le Jeune.


«Le Christ mort est une oeuvre terrible.
C'est le cadavre en sa froide horreur, et rien de plus. Il est seul. Ni amis, ni parents, ni disciples. Il est seul abandonné au peuple immonde qui déjà grouille en lui, qui l'assiège et le goûte, invisible.
Il est des Crucifiés lamentables, hideux et repoussants. Celui de Grunwaldt, à Colmar, pourrit sur la croix ; mais il est droit, couché haut sur l'espace qu'il sépare d'un signe sublime, ce signe qui évoque à lui seul l'amour et la pitié du genre humain. Et il n'est pas dans l'abandon : à ses pieds, on le pleure; on croit en lui. Son horreur même n'est pas sensible pour tant d'amour qui la veille. Sa putréfaction n'est pas sentie. On adore son supplice, on vénère ses souffrances. On ne lamente pas sa déchéance et sa décomposition.
Le Christ d'Holbein est sans espoir. Il est couché à même la pierre et le tombeau. Il attend l'injure de la terre. La prison suprême l'écrase. Il ne pourrait pas se dresser. Il ne saurait même pas lever la main ni la tête : la paroi le rejetterait. Il est dans la mort de tout son long. Il se putréfie. C'est un supplicié, et rien de plus, vous dis-je. Il n'est pas seulement soumis à la loi de la nature, comme tous : Il n'est livré qu'à elle. Et s'il y a eu une âme dans ce corps, la mort l'insulte.


Je cherche à lire dans la pensée de ce dur Holbein. Qu'il ait été le peintre des Réformés, on le sait, depuis l'aimable Mélanchton jusqu'à Henri VIII, le monstrueux Trimalcion de la théologie et de la royauté. Certes Holbein tient pour Luther plus que pour Rome. Mais en secret il est contre toute église. Le profil aigu d'Érasme, ce scalpel à tailler les croyances en minces lanières, ne doit pas lui suffire. L'idée d'Holbein est bien plus forte, d'une violence assurée et cruelle. Point d'ironie, mais un sarcasme meurtrier : la négation glacée, et non le doute.
Holbein me donne à croire qu'il est un athée accompli. Ils sont très rares. Le Christ de Bâle me le prouve : il n'y a là ni amour, ni un reste de respect. Cette œuvre robuste et nue respire une dérision calme : voilà ce que c'est que votre Dieu, quelques heures après sa mort, dans le caveau ! Voilà celui qui ressuscite les morts ! »

Rappelons aussi les paroles de Dostoïevski - «Ce tableau peut faire perdre la foi».

Niant la nature divine de Jésus et sa résurrection, ce Christ mort est plus que profane, il est profanateur.