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mardi, 12 avril 2005

Pour un oui ou pour un non



H.2 : Oui ou non ?…
H.1 : Ce n’est pourtant pas la même chose…
H.2 : En effet : Oui. Ou non.
H.1 : Oui.
H.2 : Non !



Depuis plusieurs jours grandit la tentation de proposer ici un parallèle entre le referendum relatif au traité établissant une constitution pour l’Europe et l’œuvre de Nathalie Sarraute Pour un oui ou pour un non.

Mon idée première était uniquement, dans une veine ludique, de faire un jeu de mots propice à vous divertir. Etant d’un naturel scrupuleux, j’ai relu la pièce en question – oh ! bien modeste effort : vingt-cinq pages dans mon édition de poche Folio.

Une évidence m’a frappé à cette relecture – «Bon sang, mais c’est bien sûr !» ; de Nathalie Sarraute au commissaire Bourrel, je ne crains pas les grands écarts - : il y a bien d’autres enseignements à tirer de cette confrontation qu’une simple plaisanterie.

Voici un bref résumé pour vous remettre en tête l’intrigue de ce chef d’œuvre :


H.1 cherche à connaître la raison de l’éloignement de son ami H.2. Il insiste, H.2 est réticent, mais il finit par avouer que la cause en est quelques mots prononcés par H.1 alors que H.2 lui avait parlé d’un succès quelconque : «C’est biiien… ça…» un accent mis sur «bien», un suspens avant «ça». L’incompréhension de H.1 est grande, les voisins de H.2, H.3 et F., appelés en tant que témoins, ne comprennent pas plus.
Les rancoeurs et les griefs remontent du passé : H.1 est un poseur qui étale sa réussite et son bonheur, qui ne comprend rien à la vraie vie, H.2 est un «poète», un raté solitaire, un jaloux.
Ils sont dans « deux camps adverses. Deux soldats de deux camps ennemis qui s’affrontent».
Ils voudraient bien rompre, mais il faut «l’autorisation de ceux qui ont le pouvoir de donner ces permissions. Des gens normaux, des gens de bons sens». Et leur désaccord est fondé sur des mots, des intonations. Ils seraient certainement déboutés de leur demande, signalés. «Chacun saura de quoi ils sont capables, de quoi ils peuvent se rendre coupables : ils peuvent rompre pour un oui ou pour un non.»


C’est d’abord la condescendance à son égard que reproche H.2 à H.1. L’autosatisfaction de H.1 exaspère H.2 : ses voyages, sa femme, ses enfants, tout est prétexte pour H.1 à poser devant H.2 et sa petite vie solitaire repliée sur elle même. D’un côté le camp des actifs et des créateurs de vie et de richesse, de l’autre celui des contemplatifs, hypersensibles aux mots, et sur-interprétant les intentions.

Condescendance, autosatisfaction, susceptibilité, surinterprétation, action, repli sur soi…
H.1 partisan du oui, H.2 partisan du non ?

A vous de juger.


H.1 : Pour un oui… ou pour un non ?
un silence

H.2 : Oui ou non ?…
H.1 : Ce n’est pourtant pas la même chose…
H.2 : En effet : Oui. Ou non.
H.1 : Oui.
H.2 : Non !

dimanche, 10 avril 2005

Cartes postales


Un échange dans les commentaires de Montbrison m’apprend, alors que j’aurai dû le savoir depuis longtemps, que Henry Jean-Marie Levet est né dans cette «sous-préfecture de la Loire, au pied des monts du Forez : maisons anciennes, industries mécaniques, bonneterie, fabrique de jouets». Je lis peu les préfaces, de ce fait les origines foréziennes de Levet m’ont échappé alors qu’elles sont indiquées dès la première page du texte de présentation de Michel Bulteau figurant dans mon édition des Cartes postales parue à la Table ronde en 1993.


Malheureusement, je ne connais pas la Conversation à l’intérieur d’une limousine en marche sur la route nationale entre Montbrison et Saint-Etienne, le 2 Mars 1911 que tinrent Valery Larbaud et Léon-Paul Fargue au retour d’une visite aux parents d’Henri Jean-Marie, alors décédé depuis cinq ans, et qui sert de préface à certains recueils des Cartes postales, mais pas au mien.

Je ne résiste pas au plaisir de transcrire ici quelques extraits, qui me ravissent par le parfum que dégagent les noms, des villes et des contrées, des personnes et des navires.

British India
A Rudyard Kipling

Les bureaux ferment à quatre heures à Calcutta;
Dans le park du palais s'émeut le tennis ground;
Dans Eden Garden grince la musique épicée des cipayes;
Les équipages brillants se saluent sur le Red Road...

Sur son trône d'or étincelant de rubis et d'émeraudes,
S.A. le Maharadjah de Kapurthala
Regrette Liane de Pougy et Cléo de Mérode
Dont les photographies dédicacées sont là...

- Bénarès, accroupie, rêve le long du fleuve;
Le Brahmane, candide, lassé des épreuves,
Repose vivant dans l'abstraction parfumée...

- A Lahore, par 120 degrés Fahrenheit,
Les docteurs Grant et Perry font un match de cricket,-
Les railways rampent dans la jungle ensoleillée...

Outwards
A Francis Jammes

L'Armand-Béhic (des Messageries Maritimes)
File quatorze nœuds sur l’Océan Indien…
Le soleil se couche en des confitures de crimes,
Dans cette mer plate comme avec la main.

- Miss Roseway, qui se rend à Adelaïde,
Vers le Sweet Home au fiancé australien,
Miss Roseway, hélas, n’a cure de mon spleen,
Sa lorgnette sur les Laquedives, au loin…

- Je vais me préparer – sans entrain ! – pour la fête
de ce soir : sur le pont, lampions, danses, romances
(Je dois accompagner miss Roseway qui quête
- Fort gentiment – pour les familles des marins
Naufragés !) Oh, qu’en une valse lente, ses reins
A mon bras droit, je l’entraîne sans violence

Dans un naufrage où Dieu reconnaîtrait les siens…



République argentine
La Plata
A Ruben Dario

Ni les attraits des plus aimables Argentines,
Ni les courses à cheval dans la pampa,
N’ont le pouvoir de distraire de son spleen
Le Consul général de France à la Plata !

On raconte tout bas l’histoire du pauvre homme :
Sa vie fut traversée d’un fatal amour,
Et il prit la funeste manie de l’opium ;
Il occupait alors le poste à Singapoore...

– Il aime à galoper par nos plaines amères,
Il jalouse la vie sauvage du gaucho,
Puis il retourne vers son palais consulaire,
Et sa tristesse le drape comme un poncho...

Il ne s’aperçoit pas, je n’en suis que trop sûr,
Que Lolita Valdez le regarde en souriant,
Malgré sa tempe qui grisonne, et sa figure
Ravagée par les fièvres d’Extrême-Orient...

Afrique occidentale
A Léon-Paul Fargue

Dans la véranda de sa case, à Brazzaville,
Par un torride clair de lune congolais
Un sous-administrateur des colonies
Feuillette les « Poésies » d’Alfred de Musset...

Car il pense encore à cette jolie Chilienne
Qu’il dut quitter en débarquant, à Loango...
– C’est pourtant vrai qu’elle lui dit « Paul je vous aime »,
À bord de la Ville de Pernambuco.

Sous le panka qui chasse les nombreux moustiques
Il maudit « ce rivage où l’attache sa grandeur »,
Donne un soupir à ses amours transatlantiques,
Se plaint de la brusquerie de M. le Gouverneur,
Et réprouve d’une façon très énergique
La barbarie des officiers envers les noirs...

Et le jeune et sensitif fonctionnaire
Tâche d’oublier et ferme les yeux...

« Regrettez-vous le temps où le ciel sur la terre
Marchait et respirait dans un peuple de dieux,
Où Vénus Astarté, fille de l’onde amère... ? »


Egypte – Port Saïd
En rade

A Gabriel Fabre

On regarde briller les feux de Port-Saïd,
Comme les Juifs regardaient la Terre Promise ;
Car on ne peut débarquer ; c’est interdit
– Paraît-il – par la Convention de Venise

À ceux du pavillon jaune de quarantaine.
On n’ira pas à terre calmer ses sens inquiets
Ni faire provision de photos obscènes
Et de cet excellent tabac de Latakieh...

Poète, on eût aimé, pendant la courte escale
Fouler une heure ou deux le sol des Pharaons,
Au lieu d’écouter miss Florence Marshall
Chanter « The Belle of New York » au salon.



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Invitation, sinon au voyage, du moins à la rêverie

vendredi, 08 avril 2005

Anachronique


Hors du temps, ou plus exactement hors de leur temps, tels sont les anachroniques.

Renaud Camus a longtemps nourri un fantasme d’exposition de peintres anachroniques, fantasme que l’on retrouve régulièrement dans ses Journaux autour de 1990. Dans cette exposition aurait pu figurer, en position centrale, peut-être, tant il est l’archétype de l’anachronique, Alessandro Magnasco, peintre génois à la charnière entre les XVIIe et XVIIIe siècles (1667-1749).
Parmi les peintres régulièrement cités par Camus (Cecco Bravo, Luca Cambiaso, Mastelletta, fra Galgario), c’est le seul dont j’ai pu voir les œuvres, notamment les deux scènes de galériens du musée des Beaux-Arts de Bordeaux (L’arrivée des galériens dans la prison de Gènes et L’embarquement des galériens dans le port de Gènes).


Et en effet, Magnasco n’appartient pas à son époque, à l’évidence, à la fois par sa thématique (en particulier les scènes d’horreur) et sa technique (l’abandon progressif de la couleur). La confrontation avec la peinture aimable de la première partie du XVIIIe siècle est détonnante et l’on aurait du mal à l’identifier à son temps.
Magnasco, et en ceci il est remarquable, est un anachronique à la fois rétrospectif (l’influence des Désastres de la Guerre de Jacques Callot est patente), et prospectif (les peintures romantiques ne sont pas loin).

Par le plus grand des hasards, alors que je pensais à la présente note inspirée par l’écoute de différents interprètes de Bach au piano, la charmante (I presume) VS transcrivait partiellement sur le site de la Société des lecteurs de Renaud Camus le cinquième entretien entre celui-ci et Jean-Pierre Salgas, diffusé le 1er octobre 1992 sur France Culture.
Renaud Camus y développe sa conception des artistes anachroniques (ou anachronistes), notamment en évoquant sa prédilection pour Bonnefoy, Balthus, Chostakovitch, considérés par lui comme faisant partie de cette catégorie, car indifférents à leur temps, ignorés, ou ignorants, de la modernité (des anachroniques rétrospectifs, donc).


C’est précisemment ce caractère totalement anachronique qui m’a frappé à l’écoute du dernier enregistrement de Cyprien Katsaris, consacré à des transcriptions pour le piano d’œuvres de Jean-Sébastien Bach. Résolument hors de notre temps, tant pour le choix des partitions que pour les partis pris d’interprétation, ce pianiste l’est assurément.
Ecoutez son arrangement en forme de Burlesque de la Badinerie de la Suite en si mineur BWV 1067 : n’a-t-elle pas cet inimitable parfum d’autrefois, où l’on osait s’emparer à bras le corps tout à la fois de Bach et du piano ?

Ce disque m’a fait irrésistiblement pensé à une magnifique soirée à la Roque d’Anthéron, en 1991, lors de laquelle Shura Cherkassky a interprété la sixième partita BWV 830. L’élégance le disputait à la nonchalance, la liberté à la précision diabolique et à la virtuosité sans faille. Quelle classe, mais déjà à l’époque quel anachronisme !


Cependant, je fais certainement là preuve d’un excès de classification, une de mes grandes manies. Le dernier mot reviendra à Renaud Camus, répondant à Jean-Pierre Salgas:
«J’aurais le plus grand mal à me définir et je suis bien content que cette charge ne me revienne pas.»

jeudi, 07 avril 2005

Las des listes

Liste de choses à faire
Liste de choses à ne pas faire
Liste des choses faites
Liste des choses ni faites ni à faire

Liste de Metterling
Liste de Metternich
Liste de Maeterlinck
Liste de Mayerling

Liste de monuments de Liszt (1811-1886)
Liste de monuments de List (Sylt)
Liste de monuments de Litz (60510)

Liste des courses à Monoprix
Liste des courses à Champion
Liste des courses à Auchan

Liste des bonnes résolutions de la Chandeleur
Liste des bonnes résolutions du Nouvel An
Liste des bonnes résolutions de la Pentecôte
Liste des bonnes résolutions de la Trinité
Liste des bonnes résolutions du 1er Mai
Liste des bonnes résolutions du 5 octobre 1582

Liste de blogs
Liste de blogs de listes
Liste de listes de blogs

Liste des dix films de l’année
Liste des cent films de la décennie
Liste des mille films du siècle

Liste des 100 plus grands français de Pologne
Liste des 100 plus grands polonais de France

Liste des vingt livres de l’île déserte
Liste des vains livres de l’île surpeuplée

Liste des 148 versions discographiques de la 5ème de Mahler
Liste des 15 versions discographiques de la 48ème de Haydn

Liste des amants de Vérone
Liste des amis de Véronèse
Liste des amours de Véronique

Liste des Passions
Passion des listes

Liste de jean-sébastien(s)
Liste de Johan-Sébastian
Liste de Bach
Liste des ancêtres de JS Bach
Liste des fils de JS Bach
Liste des cantates de JS Bach
Liste des cantors de Leipzig
Liste des ducs de Weimar
Liste des princes de Cöthen
Liste des électeurs de Saxe
Liste des rois de Prusse
Liste des offrandes musicales et des arts de la fugue

ListeS
Listes de listeS
Listes de listes de listeS
Listes de listes de listes de listeS
Listes de listes de LISTES de listes de listeS
Listes de listes de listes de listeS
Listes de listes de listeS
Listes de listeS
ListeS

Délices des listes
Listes des délices
Las des listes
Las des délices
Las

dimanche, 03 avril 2005

Question - Réponse


J’ai assisté, jeudi soir dernier, au Café Pompier, à une projection de Pork and Milk, de Valérie Mréjen.

Dès le générique, un court texte explique le sujet : en Israël, des hommes et quelques femmes ayant quitté leur milieu ultra-orthodoxe juif et ses règles rigoureuses témoignent en plans fixes.












Il s’agit là d’un objet hybride (ce sont les plus intéressants) : ni un pur documentaire, ni une fiction véritable.
A bien des égards, Valérie Mréjen se situe dans le droit fil de ses Portraits filmés, et met en scène ses interlocuteurs, qui deviennent les interprètes de leur propre vie : travail préparatoire (sans aller ici jusqu’à la répétition), sélection des propos, choix des lieux et des cadrages.
Des évolutions sensibles se font jour, naturellement : moins de concision, plus de respiration, un fil conducteur plus apparent, une utilisation différente des temps morts, des silences.

Dans Pork and Milk il n’y a aucune morale, aucun psychlogisme, aucun militantisme ; il y est question de retenue, d’empathie, de respect pour celui qui s’exprime et pour celui qui regarde.



Vous aurez compris que j’apprécie le travail de Valérie Mréjen, cependant je voudrais vous faire partager la perplexité dans laquelle m’a plongé une phrase du propos liminaire, que je retranscris de mémoire :

«En hébreu, devenir religieux se dit littéralement aller vers la réponse. Quitter la religion se dit aller vers la question»


Dans son bloch-notes, Muriel Bloch semble émettre un doute sur la justesse de la traduction (Bonnes questions). [Add.: ses doutes sont infondés, m'indique Valérie Mréjen.]
Sans aller jusque là – je n’en nullement les compétences – j’aurais souhaiter plus de précisions sur les sources de ce texte. [Add.: En hébreu, "hozer betchouva" (hozer = aller / be = vers, à /tchouva = réponse) est employée par les religieux eux-mêmes. L'expression "hozer besheila" (aller vers la question) a été formée par similitude.]

Un des témoignages en confirme la véracité, en rapportant le conseil d’étudier le Talmud non pour trouver la réponse à une question, mais pour faire disparaître le besoin de poser la dite question.

Les aphorismes lapidaires ont souvent une grande séduction ; celui-là n’échappe pas à la règle et est propice à de réjouissants développements – pour l’athée que je suis encore – sur le refuge sécurisant que constitue la religion pour la plupart des croyants.
Mais c’est quand même faire bien peu de cas de siècles d’exégèse des textes sacrés qui ont produit nombre de questionnements (certes aussi nombre de réponses).

Or, les récits recueillis – choisis plus exactement – par Valérie Mréjen témoignent plus d’un rejet de règles de vie quotidienne absurdes, de la rupture avec un milieu rigide et des déchirements subséquents, que d’un passage de la religion à la laïcité avec tout ce qu’il peut entraîner comme interrogations et remises en questions. Je note en passant que le terme de laïcité est particulièrement propice à des impasses dans la communication dans le contexte israélien.


En conséquence, cet exergue me semble bien mal résumer le sens, l'esprit, la portée de Pork and Milk, en y introduisant un point de vue quasi militant totalement absent du corps de l’œuvre.