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mercredi, 19 avril 2006

Visite à Plieux, le dimanche de Pâques (impressions sous un ciel changeant avec de belles éclaircies en fin d’après-midi)

16 avril 2006. – L’intérieur d’une automobile en marche sur la route départementale, entre Plieux et Saint-Clar

Philippe. – Je resterai longtemps sous l’impression de la visite que nous venons de faire à M. Camus et M. Pierre. Je ne pourrai jamais oublier ce château silencieux où le plein jour semblait chez lui […]



Je donnerais beaucoup, et je serais prêt à accepter maints inconvénients dans l’ordre du pratique et du confortable, pour vivre dans cette bibliothèque.
Cependant, par crainte de paraître impoli, je ne me suis pas laissé aller à la contemplation des vues et des livres autant que je l’aurais fait s’il s’était agi d’une simple visite guidée.

Jean-Paul Marcheschi est présent dans l’œuvre de Renaud Camus comme personne, et, désormais, dans le château de Plieux comme aucun autre. La crainte n’était pas absente, à l’heure de voir pour la première fois les œuvres du peintre, d’un aveuglement de l’écrivain quant à la qualité du travail de son ami. Il n’en est rien évidemment, et même si je peux réver à ce que fut l’accrochage de la collection dite permanente (Thursz, Brown, Tapiès, Alechinsky, Albers, Leroy, Rebeyrolle…) sur les cimaises castrales plieusaines, la vision de Marsyas au fond de la nef du rez-de-chaussée et des Morsures de l’Aube III au premier étage (dialoguant à travers les épais murs autour de la présence et de l’absence, du noir et du blanc, du positif et du négatif (parenthèse dans la parenthèse, il est étonnant de voir les différents effets de matière obtenus par l’artiste à partir de principes de base relativement rigoureux (feuilles A4 perforées, feu et flamme, suie, cire…))), pour ne rien dire des Nuits et de la salle des Vents (il va falloir que je me décide à lire son Inauguration), me hantera longtemps.


Comme chacun sait, je n’ai pas placé ce blogue sous les auspices de l’esprit de l’escalier sans raison, une nouvelle preuve en est que je viens seulement de faire le lien, en parcourant le site de Jean-Paul Marcheschi, entre sa sculpture Calme bloc et les derniers vers du Tombeau d’Edgar Poe de Mallarmé :
Calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur,
Que ce granit du moins montre à jamais sa borne
Aux noirs vols du blasphème épars dans le futur.

La traversée de l’Auroue démontra l’utilité des bottes dans la campagne gersoise, quoiqu’une paire pour quatre fût insuffisante, ce qui entraîna quelques pieds dans l’eau et un échange desdites bottes par dessus la rivière (pour les frileux (dont je suis)) (oui, et pourquoi pas une anecdote sans intérêt pour terminer ?).


« Nous sommes faits pour lire certaines phrases »
Outrepas - Journal 2002 Renaud Camus


dimanche, 26 mars 2006

Le jour, ni l'heure


Le site de Renaud Camus a fait peau neuve, et c'est ainsi que sa passionnante chronologie se dénomme désormais Le Jour ni l'Heure, et que l'exergue unique de Valery Larbaud Des villes, et encore des villes ; J'ai des souvenirs de villes comme on a des souvenirs d'amour s'est vue entée du verset correspondant de l'évangile selon Saint-Matthieu Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l'heure (Matthieu XXV 13).
Etonnant exemple de citation hors contexte de la part d'un écrivain qui eut tant à s'en plaindre ; je le vois mal en effet s'inscrire sous les auspices de la parabole des vierges folles et des vierges sages, ou celles de la parabole des talents - le verset choisi faisant le lien entre les deux. Les mots seuls, sans doute, l'ont attiré (mais peut-être me trompè-je).


Me penchant sur Matthieu XXV 13, je me suis aperçu que de nombreuses traductions explicitent l'heure et le jour : où l'époux paraîtra, où votre seigneur viendra, en laquelle le fils de l'homme viendra...

Je ne sais ce que dit l'original (si tant est qu'il n'y en ait qu'un), mais je préfère de loin la litote (celle de la bible de Segond (1910) par exemple Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l'heure) qui laisse la place au mystère quant à l'objet de l'attention du veilleur, et à des emplois hétérodoxes tel celui de Renaud Camus.

vendredi, 09 décembre 2005

Le moment désabusant où l'on en a fait le tour

Plaisir, souffrance et sublimation, le thème du colloque international organisé ces jours-ci par l'université Michel de Montaigne de Bordeaux est tellement à cent lieues de ce que l'on perçoit de la pensée de Renaud Camus à travers ses ouvrages, que l'étonnement fut grand à l'annonce de sa participation à la table ronde de la première journée Corps meurtri et démembré, corps aimé et amoureux ; mon étonnement, celui de VS, et celui de Renaud Camus lui-même, qui l'a rapporté dans un propos liminaire à l'une de ses réponses à Jean-Michel Devésa, l'instigateur de cette invitation et l'animateur du débat.
Quoique débat il y eut peu, en fait. Et ce fut heureux, car si Renaud Camus prétend régulièrement être un piètre débatteur, ce qui est probablement exact si l'on entend le débat comme un combat, il est en revanche un délicieux orateur, élégant, charmeur et cultivé – j'avoue un faible pour qui cite Mallarmé au débotté, un peu profond ruisseau calomnié la mort.


Et les questions furent plutôt bienveillantes, de la part, à l'évidence, d'un lecteur de Tricks et de Du sens, quoique me parurent curieuses plusieurs tentatives, in fine, d'entraîner la discussion vers l'identité, terrain glissant s'il en est ; Cratyle préféré à Hermogène resta la seule réponse.
Si Renaud Camus apprécie les vastes saunas et les grands musées, parce ce que l'on peut s'y perdre, j'apprécie de même l'oeuvre camusien, car l'on n'y atteint jamais le moment désabusant où l'on en a fait le tour, non plus que de l'homme lui-même, d'ailleurs, car j'ai découvert à cette occasion que Renaud Camus est plein d'humour.

Ah, j'oubliais, il a cité le nom de mon blogue ! Non qu'il l'ait jamais lu, je suppose, mais l'esprit de l'escalier lui est manifestement familier !

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Quoiqu'elle en dise, c'est bien VS qui fait de la dite "table ronde" et de la soirée qui a suivi une véritable recension. C'est en plusieurs épisodes, et cela se passe ici.


mardi, 19 juillet 2005

Le département du Gers

Je signale, à l'intention des connaisseurs, que nous avons séjourné à l'hôtel de Bastard à Lectoure.

lundi, 04 juillet 2005

L'indicatrice de Tissot

Je l’ai dit ici ou là : je suis un grand amateur de cartes, topographiques pour être précis. Quoi de plus normal, me diriez vous, si vous me connaissiez - mais vous ne me connaissez pas -, puisque j’ai longtemps exercé le métier de géomètre. Mais nul n’est obligé d’entretenir une passion en relation avec sa profession, et mon intérêt pour la cartographie n’est aucunement en rapport avec les hasards qui m’ont conduit à la topographie.
Les cartes anciennes, pour commencer par elles, sont de magnifiques et précieux objets d’art. Par leur biais, la vision du monde des siècles passés s’affiche, avec ses peurs et ses espoirs, ses faits divers et ses lieux communs, ses terres inconnues ou lointaines et leurs monstres mythologiques.


Peut-être plus encore, je suis passionné par les cartes topographiques modernes, c’est-à-dire exactes, ce qui exclut les plans par trop anamorphosés ou schématiques.
Evidemment, par leurs formes et leur couleurs, elles présentent elles aussi un intérêt esthétique – il m’est arrivé de faire l’acquisition de certaines cartes uniquement en raison de la présence d’un isthme, d’une lagune, d’un cap ou d’une enclave.
Mais surtout, en résonnance profonde avec des traits constants de mon caractère, la carte ordonne le territoire, classe ce qui n’est pas classé, organise ce qui n’est pas organisé, elle donne une forme à ce qui n’en a pas.
C’est la Culture qui domine la Nature. La carte est le paradigme de la connaissance et de la civilisation.


Par la précision de sa légende et l’exactitude de son échelle, la carte abolit la distance du signe à la chose, et est de ce fait, par essence, du domaine de Cratyle contre celui d’Hermogène.

D'abord, parce que j'aime marcher, j'aime la promenade, j'aime les chemins, les embranchements, les cartes. Il y a au fond de l'homme, ou en tout cas de beaucoup d'hommes, une très profonde pulsion cartographique, qui justement est liée au sens, au désir d'imposer un sens au réel, à la terre, à l'espace. Voyez le nombre d'enfants qui tracent dans le sable les cartes de pays imaginaires, avec leurs frontières et leurs routes, leurs chemins, leurs carrefours, leurs enclaves. Voyez la fascination qu'exercent ces pages de Lewis Caroll ou de Borges sur les cartes, sur cette vieille utopie topomaniaque de cartes toujours plus grandes, qui bien entendu finissent par recouvrir exactement le pays dont elles sont la carte, de sorte que finalement on y renonce, elles sont trop malcommodes, les paysans protestent parce qu'ils doivent travailler à l'ombre, et on décide donc, dans Sylvie et Bruno, d'utiliser comme carte le pays lui-même, c'est encore ce qu'il y a de plus pratique...
Renaud Camus Entretien donné à la revue Genesis


Cependant, la perfection n’est pas de ce monde, et l’art de la cartographie ne fait pas exception à l’adage. En effet, la terre étant un ellipsoïde, toute projection plane doit faire des compromis, conservant les angles, donc les formes, - conforme - ou conservant les surfaces - équivalente -, ou encore conservant les distances - équidistante -, mais ne pouvant en aucun cas être parfaite.
Cette imperfection est matérialisée par l’indicatrice de Tissot, petit cercle subissant les déformations de la projection dont on veut juger les effets.


L'indicatrice de Tissot, en quelque sorte, mesure la distance qui sépare Cratyle d’Hermogène.