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vendredi, 09 décembre 2005

Le moment désabusant où l'on en a fait le tour

Plaisir, souffrance et sublimation, le thème du colloque international organisé ces jours-ci par l'université Michel de Montaigne de Bordeaux est tellement à cent lieues de ce que l'on perçoit de la pensée de Renaud Camus à travers ses ouvrages, que l'étonnement fut grand à l'annonce de sa participation à la table ronde de la première journée Corps meurtri et démembré, corps aimé et amoureux ; mon étonnement, celui de VS, et celui de Renaud Camus lui-même, qui l'a rapporté dans un propos liminaire à l'une de ses réponses à Jean-Michel Devésa, l'instigateur de cette invitation et l'animateur du débat.
Quoique débat il y eut peu, en fait. Et ce fut heureux, car si Renaud Camus prétend régulièrement être un piètre débatteur, ce qui est probablement exact si l'on entend le débat comme un combat, il est en revanche un délicieux orateur, élégant, charmeur et cultivé – j'avoue un faible pour qui cite Mallarmé au débotté, un peu profond ruisseau calomnié la mort.


Et les questions furent plutôt bienveillantes, de la part, à l'évidence, d'un lecteur de Tricks et de Du sens, quoique me parurent curieuses plusieurs tentatives, in fine, d'entraîner la discussion vers l'identité, terrain glissant s'il en est ; Cratyle préféré à Hermogène resta la seule réponse.
Si Renaud Camus apprécie les vastes saunas et les grands musées, parce ce que l'on peut s'y perdre, j'apprécie de même l'oeuvre camusien, car l'on n'y atteint jamais le moment désabusant où l'on en a fait le tour, non plus que de l'homme lui-même, d'ailleurs, car j'ai découvert à cette occasion que Renaud Camus est plein d'humour.

Ah, j'oubliais, il a cité le nom de mon blogue ! Non qu'il l'ait jamais lu, je suppose, mais l'esprit de l'escalier lui est manifestement familier !

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Quoiqu'elle en dise, c'est bien VS qui fait de la dite "table ronde" et de la soirée qui a suivi une véritable recension. C'est en plusieurs épisodes, et cela se passe ici.


Commentaires

Les lecteurs de son journal savent depuis longtemps que Renaud Camus est plein d'humour !

Écrit par : Ben | vendredi, 09 décembre 2005

Tu n'avais pas fait suivre un camescope en loucedé, by any chance ?

Écrit par : Guillaume | samedi, 10 décembre 2005

Pas de camescope, et je n'avais même pas mon appareil photo !

Ben, je ne suis pas d'accord, quand on lit les journaux de Renaud Camus (et je les ais TOUS lus depuis Journal d'un voyage en France), on n'a pas l'image d'un homme "plein d'humour". Certes, il peut y faire preuve d'humour à l'occasion, mais sûrement pas comme je l'ai vu jeudi soir.

Écrit par : Philippe[s] | dimanche, 11 décembre 2005

"parce ce que l'on peut s'y perdre" : là est le seul intérêt.

Écrit par : Quel Fourbi ! | dimanche, 11 décembre 2005

Il y aura sans doute des actes du colloque. Et il devrait y avoir des photographies...

Les personnes qui fréquentent RC disent toujours qu'il est très drôle, et pour le peu que cela m'est arrivé, je confirme sa finesse et son humour, sa façon de vous prendre par surprise, soit par la forme, soit par le fond de ses remarques. C'est l'inattendu qui provoque le rire.

Concernant les journaux, je crois qu'ils servent d'exutoire, c'est le lieu où se déversent la colère, les déceptions, la mauvaise humeur: le journal est un portrait à charge de l'artiste.
Mais si l'on s'attache à des phrases, à des moments, je trouve de l'humour dans le détachement par rapport aux choses, dans le choix d'un mot (qualifier l'Esprit-Saint de "fantasque volatile"!) et dans le jeu sur les niveaux de langage.
Pour une lecture fétichiste des journaux: détacher un mot, une phrase, un passage.

Écrit par : VS | dimanche, 11 décembre 2005

C'est vrai que c'est ce que je voulais dire, quelque part, je veux dire. Merci Mme VS...

Écrit par : Ben | dimanche, 11 décembre 2005

"Pour une lecture fétichiste des journaux: détacher un mot, une phrase, un passage":
voici des exemples non exhaustifs, loin de là, de ma lecture fétichiste: "il y a un type de commerçants plus ou moins rapatriés d’Afrique du nord que je ne trouve pas très gracieux, à l’œil, ni à l’oreille, ni au cœur. Mais c’est le commerce que je n’aime pas en eux (ou peut être l’Afrique du nord) » page 74 château de seix
"Je suis un partisan de l’arrêt de l’immigration » page 74 château de seix
"
"Hitler a eu effectivement une politique économique remarquable » page 358 Du sens
on devrait parler de "tentative de génocide » et non de « génocide » pour les arméniens puisqu’il « reste beaucoup d’arméniens sur cette terre » page 13 Du sens
"« si par quelque miracle l’Ouganda, le Mali ou la république d’Haïti se trouvaient avoir pour population, du jour au lendemain, celles de la Suisse, des Pays Bas ou d’Israël, il est probable qu’en quelque mois ou quelques années, Le Mali, l’Ouganda ou Haïti deviendraient tout a fait prospères » Du sens page 334
il y a « plus d’élévation, non pas morale mais artistique et intellectuelle, dans le quintette de Schubert qu’en la plus belle des pièces inuit"page 56 Campagne de France
"« l’émission est dirigée par Michel Bydlowski. Débattent autour de lui Antoine Spire, Roger Dadoun, Isabelle Rabineau et un certain J-P Grunfeld que je ne connais pas. Cinq participants et quelle proportion de non-juifs parmi eux ? Infime, sinon inexistante. Or je trouve cela non pas tout à fait scandaleux, peut-être, mais exagéré, déplacé, incorrect ». Campagne de France, page 408
"ce n’est pas tant la judéité (…) que l’artisanat, la boutique, les ateliers de confection, le prolétariat ou la petite bourgeoisie industrieuse » page 330 Campagne de France


A rapprocher de la page une du monde mardi: 24% des français approuvent Le Pen, des idées de Finkielkraut, d'Hélène Carrère d'encausse, et du nouveau président iranien. De tous les coins du monde, les discours barbares et les intégrismes étendent le trouble, et détruisent les raisons.
lb

Écrit par : leopold bloom | vendredi, 16 décembre 2005

Pouvez-vous nous préciser pour chacune des phrases ce qui vous paraît juste et ce qui vous paraît faux?
La catégorie de l'indignation morale me fait rire. Tant qu'il y aura des gens pour s'indigner et faire taire ceux qui ont une opinion contraire à la leur, on aura une montée de l'extrêmisme dans le secret des urnes, seul endroit où on ne vous fait pas taire à coup de morale.

Il me paraît bien plus intéressant de chercher ce qui est vrai ou faux.
Par exemple, si l'on prend ceci: "« si par quelque miracle l’Ouganda, le Mali ou la république d’Haïti se trouvaient avoir pour population, du jour au lendemain, celles de la Suisse, des Pays Bas ou d’Israël, il est probable qu’en quelque mois ou quelques années, Le Mali, l’Ouganda ou Haïti deviendraient tout a fait prospères » : est-ce vrai, est-ce faux? Quelle est la part de la corruption et du népotisme dans le malheur de ces pays, et quelle est la part des difficultés géographiques (climat, agriculture, etc)? Il n'y a probablement pas de réponse, mais c'est intéressant quelques instants. De se poser vraiment la question permet au moins de pouvoir répondre sereinement : "là, je pense que RC dit une bêtise" ou "là, je pense que RC a tout à fait raison" et de donner des arguments pour étayer ce jugement.

Est-il oui ou non déplacé qu'une émission généraliste de radio publique française traite principalement de thèmes juifs, présentés par des journalistes qui se revendiquent comme juifs (cela est important: c'est eux qui se désignent et se revendiquent tels)? (Imaginez vous à Tel-Aviv ou Jérusalem une émission généraliste ne parlant que de livres ou films français présentée par des Israëliens d'origine française: ne croyez-vous pas qu'on aurait vite fait de changer le titre de cette émission? (c'est une solution parmi d'autres))
Cette question a été posée, personne ne l'a entendue et tous se sont déchaînés dans la défense de leurs propres obsessions.

Puisque vous avez lu Du sens, vous savez qu'il existe une surreprésentation des protestants dans les instances dirigeantes françaises. Elle ne paraît pas déplacée, visiblement. On doit pouvoir soutenir de même qu'une surreprésentation juive à la radio n'est pas déplacée (oui, non?), je suppose. Mais personne n'a traité cette question, personne. La question elle-même est tabou. Exclure ainsi les juifs, "le sujet juif", du discours commun consiste de fait à en faire des citoyens "à part". Poser des questions, les mêmes que celles qu'on poserait sur les Bretons ou les Alsaciens ou les protestants consiste au contraire à les considérer bêtement au même niveau que des Bretons ou des Alsaciens. Pourquoi est-ce choquant?
Mais vous savez tout cela, puisque vous avez lu Du sens.

La question à traiter ici est de savoir si oui ou non il y avait prédominance de thèmes de juifs et de journalistes juifs se revendiquant tels dans l'émission du Panorama. Ce qu'a dit RC était-elle une observation exacte ou relevait-elle du mensonge et de la désinforamation? La méthode est trouvé, il s'agit de relever le programme de deux ans (au moins, 1993 et 1994) d'émissions du Panorama. L'outil sera Télérama à la BNF.

L'autre question est de savoir pourquoi on ne peut pas en France poser certaine question. De quoi a-t-on peur, à la fin? De la montée des intégrismes? Mais on est en train d'obtenir cette montée à force de silence et d'étouffement.

J'attends avec intérêt que vous repreniez chacune des phrases que vous avez citées pour nous expliquer en quoi elles sont "[d]es discours barbares et [d]es intégrismes" qui "étendent le trouble, et détruisent les raisons".

Écrit par : VS | vendredi, 16 décembre 2005

Non, même si j’ai lu ce Du sens, je ne sais pas qu’il « existe une surreprésentation des protestants dans les instances dirigeantes françaises. » Et si Renaud Camus le souligne c’est qu’elle lui paraît déplacée, visiblement.

« La catégorie de l'indignation morale me fait rire ». Tant mieux. La morale j’y tiens quant à moi, et l’indignation et l’esprit de résistance me sont chers. La collaboration ne m’a jamais séduit.

« Tant qu'il y aura des gens pour s'indigner » le système de pensée qui imagine que l’indignation conduit à l’intégrisme, me rappelle les discours de Pétain, et des intellectuels de cette époque, combien d’écrivains en cours sous l’occupation allemande, aimant l’architecture et les salons littéraires, les mignonnes amitiés particulières, pour protéger la France des effets d'une vraie guerre, si sale, entre gens de bonne compagnie, aimant beethoven, et Goethe, pourquoi ne pas s'apprécier,

« et faire taire ceux qui ont une opinion contraire à la leur » : mais savez vous que Renaud Camus épouse le discours majoritaire (en gros toute la France pense qu'il y a trop de juifs au pouvoir, ou trop de protestants, ou trop de ceci cela, et toute la France pense que les noirs sont responsables de leur malheur en Afrique, et pensent comme Renaud Camus que « si par quelque miracle l’Ouganda, le Mali ou la république d’Haïti se trouvaient avoir pour population, du jour au lendemain, celles de la Suisse, des Pays Bas ou d’Israël, il est probable qu’en quelque mois ou quelques années, Le Mali, l’Ouganda ou Haïti deviendraient tout a fait prospères ».
Mais vous relisez entre les lignes le sens de ce discours. Cette vérité d’évidence énoncée est elle si différente des textes racialistes du 19eme/début 20ème ?
Tous les français moyens pensent comme Renaud Camus, et (malheureusement) seuls quelques-uns pensent que cette idée est une opinion qui conduit à la barbarie.
Tous les français moyens pensent comme Renaud Camus qu’Hitler était un excellent économiste et regrettent de ne pas l’avoir eu pour les autoroutes et les volkswagen.

« faire taire », donc, mias, Renaud Camus ne se tait pas, Renaud Camus écrit 4 livres par an en moyenne, avec plusieurs éditeurs, sans aucune censure, plus que Flaubert ou Duras ou Proust, passe sur toutes les chaînes de télévision, fait « tout le monde en parle », semble heureux est invité dans les colloques.

« Faire taire » c’est votre fantasme et le sien. Il pense en petit bourgeois comme les français moyens, mais voudrait être aimé de l’élite. Les convertir.

Et vous aussi, essayez de lire de manière fétichiste son journal et ses textes. Rapprochez les des discours de Le Pen, de la nouvelle droite des années 80. En quoi sont ils différents ? En quoi au fond trouvez vous Le Pen scandaleux ? Renaud Camus dédramatise et dédiabolise Le Pen.
L’intégrisme monte partout, en iran, en Égypte ce sont les islamistes, en France, avec par exemple Renaud Camus et ses discours, qui sont, dans ses livres et dans son parti, pas éloignés de ceux des droites extrêmes. Non ? si non, dites moi en quoi non ?

Les poppers, ni l’homosexualité, ni l’amour des chiens et de Schubert n’ont jamais empêché personne d’incarner le pur esprit de la nouvelle nouvelle droite. Faire taire, il parle, non ?.


Quant à oser dire, je suis d'accord avec vous, moi aussi j’aime voir et oser dire, et il est temps de voir et de dire.
Mais il y a pas entre dire : la non pensée de l’autre comme autre conduit à l’exclusion donc à la guerre civile (ce que je pense), et de dire « ce n’est pas tant la judéité (…) que l’artisanat, la boutique, les ateliers de confection, le prolétariat ou la petite bourgeoisie industrieuse », ce que dit Renaud Camus, et qui veut dire, relisez lentement : je n’aime pas le juif chez le juif, (l’arabe chez l’arabe, le noir chez le noir) qui est une pensée de type drumont.

Indignation et résistance oui.
Non ?
leopold B.

Écrit par : lepold bloom | vendredi, 16 décembre 2005

Je ne vois guère comment un lecteur de Renaud Camus (j'entends un lecteur sans idées préconçues et non un extracteur de petites phrases) peut écrire ce qu'écrit leopold bloom.
Cela me fait penser que j'avais en projet une note sur "l'épaisseur des choses" (ou plutôt son absence).

Écrit par : Philippe[s] | samedi, 17 décembre 2005