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samedi, 13 septembre 2008

Majestueusement, sans lenteur

Avant hier, Didier da […] commémorait sans le dire le 11 septembre 1733, date de la mort à Paris de François Couperin, en proposant à ses lecteurs sa propre interprétation au piano (et en public : chapeau bas) d’une pièce du premier ordre du premier livre des pièces de clavecin (1713) : Les Sylvains, Majestueusement, sans lenteur.

La tentation est grande, devant nombre de titres intrigants de Couperin, de vouloir rechercher une explication (qui se cache derrière la Manon ? que sont les Barricades mystérieuses ?…) ou encore de trouver un lien logique entre l’écriture musicale et le nom de l’œuvre (les lignes verticales et horizontales tissées entre la main gauche et la main droite évoquant figurativement une barricade...).

Or, comme le soulignait fort justement Frédérick Haas lors de son concert du 30 mars dernier au musée des Beaux-arts de Chartres, François Couperin est un poète, un des plus grands de son temps, et le titre fait partie intégrante de la poésie de son œuvre, et il ne faut pas vouloir à tout prix l’expliciter (ce qui est parfois possible cependant).

Ainsi, nulle analyse de technique musicale ne rapporte les Sylvains à la forêt et à ses habitants, nulle description figurative des arbres ou des clairières dans les notes de Couperin.. Mais une coloration de la pièce par le titre, qui engendre pour l’un l’évocation de « ces faunes, là-bas, aux danses lasses et aux regards sombres », ou pour un autre la nostalgie d’un automne finissant.


Les baricades mistérieuses


et toi, Minerve, créatrice de l’olivier ;
et toi, enfant, qui nous montras l’arceau recourbé ;
et Silvain, portant un tendre cyprès déraciné

Virgile, Géorgiques I ; traduction Maurice Rat


08:24 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (4)

vendredi, 12 septembre 2008

Boulézien !

Peut-être parce qu’il a une grande intelligence, sans doute parce qu’il a fondé des institutions importantes et occupé des positions éminents, ou encore parce qu’il a réussi à l’étranger – de New-York à Bayreuth – (et les français n’aiment pas cela), probablement pour son rôle supposé d’éminence grise (l’Opéra Bastille), le montbrisonnais Pierre Boulez est assez généralement détesté (sauf éventuellement en tant que chef d’orchestre).
Comme icône de la musique contemporaine – pour ceux qui abhorrent cette musique – comme représentant d’un certain type de composition, hégémonique et dogmatique – pour ceux qui l’aiment – boulézien est devenu un terme péjoratif et quasiment une insulte si j’en crois David – Carnets sur sol.

La lecture de la dernière page du Monde de la Musique de ce mois ci confirme ces préjugés (c’est cette page qui est cause du présent billet). Claude Chabrol (L'invité du mois) y déclare en effet : « J'aime dans la musique ce parfait équilibre de la mathématique et du sentiment, de l'ordre et du chaos, bien que Pierre Boulez ait fait pencher la balance d'un seul côté. Trop de chiffres et trop peu de cœur... ».
Voilà bien une scie (musicale) : Boulez serait trop intellectuel (c’est donc une tare ?), sa musique serait cérébrale, sans cœur, sans âme, mathématique et sans sensualité.

C’est un jugement que je ne partage pas du tout.
Pendant longtemps, au temps jadis où j’étais jeune, j’ai été un mélomane passablement sectaire (je ai raconté en partie mon éducation musicale ici), et en particulier dès les premières notes de musique contemporaine entendues à la radio, je tournais le bouton pour passer à autre chose (Wagner, la musique romantique et post-romantique… subissant le même sort).
Jusqu’au jour où j’ai assisté à l’exécution de Pli selon Pli de Pierre Boulez par Pierre Boulez au festival Musica de Strasbourg tout juste créé (c’était la quatrième édition, en 1986), quelques jours à peine avant mon départ pour le Maroc. A vrai dire je ne sais pas pourquoi je me suis rendu à ce concert (mon premier de musique contemporaine, donc) ; peut-être pour impressionner un joli garçon (ce fût raté si je m’en souviens bien).
En tout cas je fus ébloui par l’œuvre (et par le chef) qui loin de me paraître sèche et sans cœur, m’a semblé pleine de sensualité, de contrastes, de violence et de douceur et d’une beauté sonore inouïe, tout en étant d’une remarquable intelligence (je rappelle ici que je n’ai aucune connaissance en analyse musicale, et que je retranscris ce que je ressens).

Je devins, lors de mon retour à Strasbourg dix ans plus tard, un fidèle spectateur de Musica, et je reste toujours un grand amateur de Boulez compositeur.

Pour ceux qui voudraient bien laisser leur œillères (sonores) au vestiaire, un extrait du livre pour cordes (I b – Mouvement) :



Découvrez Pierre Boulez!


lundi, 16 juillet 2007

Fin de saison

Les oies (très disciplinées, les oies, un instinct grégaire remarquable, et sûrement une Ganseliesel dans la coulisse), les toits qui battent de l’aile, un bateau, un tracteur, des Vespas (à moteurs électriques sans doute), une caravane, des nageurs sur planches à roulettes, des sœurs et un évêque en goguette, des personnages qui volent, des policiers en rollers qui font pin-pon (mais non… ils ont une casquette à feu bleu) : tout le répertoire d’Emir Kusturica était présent sur scène, pour l’adaptation du Temps des Gitans sous forme de punk opéra (terme passablement curieux, du reste).


Le film original m’ayant fait une forte impression lors de sa sortie, nous avons donc achevé la saison de pestacles 2006-2007 à la Bastille ce 14 juillet au soir.

Le foutoir, l’énergie, la poésie de nombreux tableaux, et de certains textes de chansons, ne nous l’ont pas fait regretter.
Cependant, la construction du scénario, assez obscur, et dont la compréhension n’était guère facilitée par une mise en scène surchargée en seconds plans, et la réécriture quasi-complète de la musique originale (il faut bien dire que l’Orchestre des Mariages et des Enterrements de Goran Bregovic est mille fois plus intéressant que le No Smoking Orchestra d’Emir Kusturica) ont largement amoindri notre félicité (et l’amplification, mon audition).

Je m’en vais de ce pas faire l’acquisition du film, dont le DVD vient de sortir.



14 juillet 2007 - Opéra bastille - Le Temps des Gitans Punk opera, texte de Nenad Jankovic d’après le scénario original de Gordan Mihic et Emir Kusturica, mise en scène Emir Kusturica, musique Dejan Sparavalo, Nenad Jankovic et Stribor Kusturica, direction musicale Dejan Sparavalo, décors Ivana Protic, costumes Nesa Lipanovic, lumières Michel Amathieu
Ahmed Nenad Jankovic, Brandes Ognjen Sucur, Grand Mother Gorica Popovic, Danira Marijana Bizumic, Dr Lorenzo Dejan Sparavalo, Azra Milica Todorovic, Perhan Stevan Andelkovic, Gamblers Stanko Tomic, Zlatko SakulskiI, Azra's Mother Natasa Tomic, Peasant Katarina Mrksic, Ivana Bizumic, Dragana Stanojevic, Tatjana Nikolic, Maja Martic, Brankica Ivankovic, The No Smoking Orchestra and The Garbage Serbian Philarmonia dirigé par Zoran Komadina

jeudi, 05 juillet 2007

In memoriam Régine Crespin








Régine Crespin - 23 février 1927 - 5 juillet 2007


20:51 Publié dans Brève, Musique | Lien permanent | Commentaires (2)

samedi, 23 juin 2007

Je vais dire quelque chose à quelqu'un

Je ne goûte pas particulièrement le symbolisme de Maurice Maeterlinck, le symbolisme tout court, à vrai dire. Cependant, la simplicité de son vocabulaire l’éloigne, dans ses meilleurs moments, de l’ésotérisme et crée, par un usage remarquable de la litote et de l’ellipse, une belle atmosphère poétique. Si je n’ai guère apprécié, à la lecture, l’Oiseau bleu, trop symboliste pour moi, j’avais beaucoup aimé Intérieur, vu sur scène il y a quelques années au TNS.

Pelléas et Mélisande est dans un entre-deux ; il a de plus été largement coupé par Debussy. Mais la poésie domine, et renvoie le bric-à-brac des grotte, fontaine, anneau, chevelure… au rayon des accessoires à la Gustave Moreau ou Odilon Redon.
D’autant plus que la musique n’illustre en rien les symboles par un usage qui serait trop voyant du leitmotiv wagnérien, mais souligne au contraire la poésie et le drame (d’ailleurs Pelléas m’a toujours fait pensé bien plus à Moussorgski qu’à Wagner ou qu'à la musique française contemporaine de Debussy).

Quant à l’indicible et au presque rien, les exemples abondent, mais il ne sont rien moins qu’anodins, car c’est en eux que gît la tragédie.




Simplement parce que c’est l’usage ; simplement parce que c’est l’usage.











Berger, pourquoi ne parlent-ils plus ?
Parce que ce n’est pas le chemin de l’étable.




Musicalement, la production du théâtre des Champs-Elysées était remarquable, et en particulier dans l’absence de toute mièvrerie, affadissement ou mollesse (direction à la fois souple et précise, mais vigoureuse, Golaud superlatif, les autres chanteurs à l’unisson (lire Zvezdo avec lequel je suis d’accord)). Scéniquement, je suis plus dubitatif, mais je ne voyais que les deux tiers de la scène, et la plupart de l’action se déroulait dans le tiers qui m’était invisible (la scène de la tour et le la chevelure très laide (se serait donc un rêve ?), la scène du berger magnifique).

Une démonstration éclatante que comme tout grand chef d’œuvre, Pelléas et Mélisande supporte, demande, mérite des visions personnelles et fortes.




22 juin 2007 - Théâtre des Champs-Elysées - Claude Debussy : Pelléas et Mélisande - Magdalena Kozena (Mélisande), Jean-François Lapointe (Pelléas), Marie-Nicole Lemieux (Geneviève), Laurent Naouri (Golaud), Gregory Reinhart (Arkel), Amel Brahim-Djelloul (Yniold), Yuri Kissin (Le médecin), Chœur de Radio France, Orchestre national de France, Bernard Haitink (direction musicale), Jean-Louis Martinoty (mise en scène), Hans Schavernoch (décors), Yan Tax (costumes), André Diot (lumières)

Portail Royal de la cathédrale de Chartres : le Massacre des innocents, l'Annonciation aux bergers