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lundi, 05 février 2007

Mon royaume des morts pour un cheval mort

Le cheval mort chevauche son cavalier mort.



Mais les tombeaux sont vides.


Bas relief du tombeau de Louis XII et d'Anne de Bretagne - Basilique de Saint-Denis - Détail de la bataille d'Agnadel, par Antoine Juste (1479-1519)

18:50 Publié dans Sculpture | Lien permanent | Commentaires (8)

lundi, 02 octobre 2006

L'architecte et son oeuvre

Mes lecteurs les plus fidèles se souviennent peut-être de la fantaisie que j’avais rédigée au sujet de la façade de la cathédrale de Strasbourg.
Contrairement au billet similaire consacré à Chartres, ces manipulations d’image n’étaient en fait pas du tout fantaisistes, même si, certes, l’histoire des différents projets de la façade strasbourgeoise et de leur réalisation est plus complexe que le rapide résumé que j’ai pu en faire.


Outre la lecture des ouvrages savants consacrés à la question, la visite du musée de l’œuvre Notre-Dame est très éclairante sur ce sujet.
Ici il convient certainement d’ouvrir une parenthèse pour expliquer aux français de l’intérieur, et même aux autres, peut-être, la particularité de l’œuvre Notre-Dame, qui fait la joie de tout amateur de traditions ancrées solidement dans les siècles passés.
La construction de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, comme toutes les cathédrales, a été confiée dès l’origine à une œuvre chargée, sous la responsabilité de nombreux maîtres d’œuvre successifs, de l’élaboration des projets, de leur financement, de la réalisation des travaux, et de l’entretien des bâtiments. L’œuvre Notre-Dame de Strasbourg s’est ainsi installée près du chantier de la cathédrale, dans deux bâtiments (l’un gothique, l’autre renaissance) qui abritent aujourd’hui le passionnant musée cité plus haut, dans lequel on peut toujours voir la salle de réunion de la loge des maçons et tailleurs de pierre, le bureau du receveur et ses coffres-forts… ainsi que les originaux de plusieurs statues remplacées, pour des raisons de protection, par des copies sur le monument lui-même (en particulier les fameuses vierges folles et vierges sages, les vices terrassant les vertus, ainsi que l’église et la synagogue).
Pendant longtemps, par le biais de donations, l’œuvre Notre-Dame a été, avec les Hospices de Strasbourg, le plus gros propriétaire terrien d’Alsace : terres agricoles, forêts et vignes, dont le revenu a servi à construire, puis à entretenir la cathédrale.


Cette institution a été naturellement placée dès l’origine sous l’autorité de l’évêque ; de ce fait elle aurait dû disparaître à la révolution comme toutes ses homologues françaises.

Mais il se trouve que tel n’a pas été le cas. En effet, le XIIIe siècle, qui avait vu grandir de fortes tensions entre les nobles, bourgeois et marchands strasbourgeois et leur évêque, s’est conclu par la défaite de celui-ci à la bataille de Hausbergen. La ville, libérée de la tutelle épiscopale, a repris le chantier de la cathédrale et l’œuvre Notre-Dame qui en était la cheville ouvrière.
Celle-ci, devenue fondation municipale, a survécu aux vicissitudes du temps, y compris à la loi de séparation de l’église et de l’Etat (appliquée partiellement et à retardement en Alsace en raison du rattachement de celle-ci à l’empire allemand jusqu’en 1918) et continue toujours de nos jours à participer à la restauration de la cathédrale, en collaboration avec et sous l’autorité de l’architecte des monuments historiques, le bâtiment étant devenu propriété de l’Etat.
Une telle continuité, exceptionnelle, a permis la conservation d’un fonds documentaire considérable, et en particulier une rare collection de plans des projets successifs de la façade, qui ne sont malheureusement plus exposés pour des raisons de conservation.
J’ai eu cependant la chance de les voir lorsque j’étais étudiant à une époque où ils étaient encore présentés au public.


Cependant, il est un endroit à Strasbourg où l’on peut toujours voir le plan du projet « B » réalisé par Erwin de Steinbach, un des premiers maîtres d’œuvre dont on connaisse l’identité.
Je ne m’en suis aperçu que récemment, lors de mon dernier séjour qui date de la semaine dernière, alors que le monument qui porte ce plan a longtemps, dès lors que je l’eus découvert, constitué une sorte de marque personnelle de mes visites guidées (à destination de mes amis et de ma famille uniquement, je précise), tant il est peu connu, et placé à l’écart des flux touristiques (et même non touristiques).


Il s’agit de la statue de Jean Hultz de Cologne par A. Friederich (1847), située dans le quartier de l’orangerie, dans un secteur où les rues portent chacune le nom d’un architecte de la cathédrale. Jean Hultz a été en effet le maître d’œuvre de la flèche pyramidale qui couronne la tour nord de la façade, achevée en 1439. Il la tient dans ses bras, ce qui fait toute la saveur de la sculpture.


Or donc, je me suis aperçu, alors que nous nous rendions sous la pluie à un brunch dans ce quartier très chic, et que nous passions devant la susdite statue par un subreptice détour motivé par mon souhait d’en prendre une photographie (je n’ai absolument aucun cliché de Strasbourg, alors que j’y ai vécu 10 ans), de la présence sur le socle, à droite, du fameux plan « B » (rien à voir avec un quelconque référendum) gravé dans le grès rose.

Je le présente à vos yeux ébaubis (vous pourrez vous vanter de connaître une curiosité de Strasbourg que la plupart des strasbourgeois ignorent).


On remarquera que le projet d’Erwin de Steinbach comportait deux tours symétriques, couronnées de deux fléches qui donnent à l’ensemble une allure, me semble-t-il, plus germanique que ce qui a été effectivement réalisé.

Voilà, ce petit texte aurait peut-être pu, si ma volonté n’avait pas fléchi dès l’origine, continuer la série destinée à l’édification de mes condisciples élèves ingénieurs. Je ne crois pas y avoir songé à l’époque ; en revanche, je me souviens parfaitement que j’avais imaginé un deuxième épisode, après le mausolée de Maurice de Saxe, consacré au pilier des anges de la cathédrale. Cela fera un sujet pour un prochain billet !

mercredi, 27 septembre 2006

Si Pigalle m'était conté

Arrivant au début des années 1980 à Strasbourg pour y achever mes études, je fus passablement consterné par l’inculture de mes condisciples de l’école d’ingénieur que j’allais fréquenter pendant trois ans. J’étais d’ailleurs moins chagriné, à la vérité, par la légèreté de leur bagage culturel que par leur absence de curiosité (je généralise, bien sûr). Je ne crois pas affabuler en affirmant qu’un nombre non négligeable d’entre eux n’ont jamais franchi, tout au long de leur séjour alsacien, les portes de la cathédrale, et encore moins celles d’un quelconque musée.
Ayant à l’époque une âme de missionnaire, j’avais forgé le projet présomptueux et immodeste de faire œuvre de prosélytisme pour convertir les ignorants aux nombreuses beautés du patrimoine strasbourgeois.
L’association des élèves éditant quelques feuillets à intervalles irréguliers, je proposai à la publication un court texte consacré au mausolée du Maréchal de Saxe, sis dans l’abside de l’église Saint-Thomas.
Le peu d’écho suscité par cette initiative, et mon caractère velléitaire ont fait que cette tentative n’eut pas de suite, pour autant que je m’en souvienne.

Une récente visite à Strasbourg, et un rapide tour dans Saint-Thomas, ont ramené à ma mémoire cette anecdote – et provoqué un grand coup de nostalgie.
Je n’ai malheureusement pas gardé trace de cet écrit, grandement inspiré, si ce n’est honteusement plagié, je le crains, du document explicatif mis à disposition des visiteurs du mausolée.


Mais pourquoi avais-je jeté mon dévolu sur Maurice de saxe ? Certainement en raison d’une sorte de snobisme – à l’époque, le Mausolée de Pigalle, à défaut d’être tout à fait secret, était peu connu du commun des mortels – mais aussi parce que je ressens vraiment de l’intérêt pour cette œuvre (et pour cette église qui possède un superbe orgue Silberman), moins pour la qualité expressive de chacune des statues que pour l’architecture de l’ensemble, et la manière si réussie de résumer la vie du duc de Courlande (j’adore ce titre de noblesse) – le guerrier victorieux, le séducteur impénitent et amateur de plaisirs, l’homme courageux et éminent serviteur de la France, quoique mercenaire.
J’aime particulièrement la diagonale qui relie la Mort, la France et le Maréchal.


Implacablement, le sablier de marbre marque depuis plus de 200 ans la descente inexorable vers le tombeau.