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dimanche, 14 août 2005

Oh ! les beaux masques

L’exposition L’homme et ses masques au musée Jacquemart André a ceci de remarquable qu’elle est organisée sur un principe poétique autour de textes de Michel Butor, et que de ce fait elle tranche sur les visions traditionnelles de ces objets - thématiques, géographiques, anthropologiques ou ethnologiques ; scientifiques, pour tout dire, ou purement esthétiques -, par exemple le travail remarquable que fait le musée Dapper.

Au-delà du plaisir de l’œil de voir des masques magnifiques - archétypaux pour certains – et de l’étonnement face à certaines permanences par delà l’espace et le temps, ce rassemblement quasi hétéroclite m’a amené à quelques réflexions, à inscrire dans la suite des débats récurrents autour des arts premiers : la levée de bouclier des chercheurs du musée de l’Homme, en partie intégré dans le futur musée du Quai Branly, les discussions autour de la création de la section du musée du Louvre consacrée à quelques chefs d’œuvre des civilisations extra occidentales, le rôle contesté de Jacques Kerkache, la politique des Barbier-Müller, l’évolution du musée Dapper du côté esthétique de la force, les revendications de restitution des pays d’origine, la prise en compte ou non du caractère religieux toujours vivant de certaines pièces… Vous trouverez sur ce sujet de nombreux documents intéressants grâce à G**gle.

Dans la controverse Esthétisme vs Ethnologie, L’homme et ses masques se situe résolument dans le premier camp - elle ne vient pas des musées Barbier-Müller pour rien. Elle présente cependant la particularité d’exposer dans les mêmes vitrines que les productions issues de la tradition de chacun des pays présents, des objets industriels sortis des usines occidentales - masques à gaz, ou masques sportifs.

Cette confrontation crée une sorte de renversement dialectique fort intéressant, me semble-t-il. En effet, nul visiteur ne peut ignorer, en face d’un casque de gardien de but de hockey ou d’un casque de protection de la fumée, leur fonction et leur utilité, par delà leur statut de ready-made. De ce fait, le masque angolais mwana phwevo ou le masque zambien sachihongo de style mbalango retrouvent, de par cette proximité et par contamination en quelque sorte, leur rang d’objets utilitaires ou cérémoniels qu’ils avaient perdu dans leur élévation à la dignité d’objet d’art, et ce en dépit de notre méconnaissance de l’utilité ou de la cérémonie.

Et il y a vraiment une certaine ironie à voir ainsi cette exposition, qui peut apparaître comme l’acmé d’une vision esthétisante des arts premiers, complètement détachés des civilisations qui les ont produits, opérer un retour aux sources de l’anthropologie et de l’ethnologie provoqué par l’excès même d’esthétisme que constitue le mélange entre la tradition et la manufacture.

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Je dois à la vérité de dire que cette analyse m’a été soufflée par [s], qui n’est pas la moitié d’un idiot quoiqu’il en dise.

Vous pouvez lire une description de l’exposition chez Fuligineuse, et voir un beau diaporama ici.

Le musée Jacquemart André possède dans ses collections permanentes plusieurs tableaux magnifiques (Chardin, Fragonard, Boucher, Rembrandt, Franz Hals, Van Dyck, Mantegna, Uccello…) dont la plupart sont quasiment invisibles car trop hauts, trop loin, mal placés, ou mal éclairés. Il est naturellement intéressant de visiter un hôtel particulier d’un collectionneur amateur d’art dans son jus, mais il est particulièrement frustrant et désagréable pour un visiteur amateur d’art de ne pas pouvoir regarder les œuvres d’art dans des conditions correctes.


Commentaires

Merci pour le lien, et bravo pour cette analyse pointue d'un phénomène ambigu...

Écrit par : fuligineuse | dimanche, 14 août 2005

Quel moment, même, hélas! pour l'âme la plus haute,
Quand le vrai tout à coup paraît, quand la vie ôte
Son masque, et dit : " Je suis la mort! "

VH - Contemplations.

C'est effectivement là tout le mystère des masques, et leur sombre beauté : que nous dissimulent-ils ?

Écrit par : Vrai Parisien | dimanche, 14 août 2005

En réponse à la note de Guillaume (en trackback ici), il me faut préciser que si je suis aussi du coté de l'esthétique, j'aime qu'il y ait un volet pédagogique suffisant dans la présentation de ce type d'objet (c'est ce que fait très bien le Musée Dapper). L'exposition "l'homme et ses masques" étant temporaire, j'admets volontiers le principe poétique de Michel Butor, d'autant plus que les masques sont superbes et que certains rapprochements sont étonnants. En revanche, la présence des masques de protection occidentaux (sportifs, militaires...) m'a profondément indisposé (pour des tas de raisons), et n'est supportable que par ce renversement que j'indique dans ma note, et qui n'est sûrement pas voulu par les commissaires de l'exposition.

Écrit par : Philippe[s] | dimanche, 14 août 2005

j'adore le masque lanterne, qui laisse des fenêtres ouverte sur le monde, ou les yeux de celui qui le porte vont eclairer la route.

En même temps cela fait penser a un casque medieval ou encore à un casque de police. Et dans ce cas je voit pas ou est la lumiére !

Écrit par : prevalli | mardi, 16 août 2005