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« Noli me tangere- Ne me touche pas - Rühre mich nicht an | Page d'accueil | Cinématographe »

mercredi, 08 juin 2005

Corps présent - Corps absent


Je poursuis la lecture de Noli me tangere de Jean-Luc Nancy. Celle-ci ouvre de nombreuses perspectives intéressantes, et la réflexion ralentit la progression dans cet ouvrage pourtant mince.
Ainsi, l’auteur décrit, au début du premier chapître, le paradoxe fondamental de la scène de l’apparition à Marie-Madeleine, en particulier dans le Ne me touche pas


D’une certaine façon, […], le christianisme aura été l’invention de la religion de la touche, du sensible, de la présence immédiate au corps et au cœur. A ce titre, la scène du Noli me tangere serait une exception, un hapax théologique. Ou bien, elle demanderait de penser ensemble, sur un mode oxymorique ou paradoxal, les deux paroles «Hoc est corpus meum» et «Noli me tangere» : et c’est peut-être en effet exactement de ce paradoxe qu’il s’agit.
[…] ici, le Christ écarte expressément le toucher de son corps ressuscité. A aucun autre moment Jésus n’a interdit ni refusé qu’on le touche


Pour abonder dans le sens d’une religion du sensible, je pense qu’il serait intéressant de dénombrer les épisodes où le corps du Christ est touché, mais je n’en ai ni le temps, ni le savoir suffisant, et cela a dû déjà être fait, probablement.

En revanche l’association sur le mode de l’oxymore de la Cène et de l’apparition à Marie-Madeleine me laisse perplexe.

Pendant qu'ils mangeaient, Jésus prit du pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le donna aux disciples, en disant: Prenez, mangez, ceci est mon corps.
Il prit ensuite une coupe; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant: Buvez-en tous;
car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés
(Matthieu XXVI 26-28, Bible de Segond 1910)



Les questions de présence et d’absence sont en effet au cœur des deux passages, de façon complémentaire plutôt que paradoxale me semble-t-il.

Ici, le corps du Christ ressuscité est physiquement présent. Mais dans le même temps, dans le même mouvement, Noli me tangere, Jésus signifie son absence au monde, son départ vers son Père.
Là, par son geste, Prenez, mangez, ceci est mon corps, le Christ indique que, malgré son absence physique, il sera spirituellement et réellement présent dans l’Eucharistie, creuset fondamental de l’église chrétienne.

Présence absente, absence présente, l’oxymore n’est qu’apparent. En miroir, en écho à la Cène, l’apparition à Marie-Madeleine prend sa véritable dimension, et l’on s’étonne moins de l’intérêt qu’y ont porté de nombreux artistes.

Mais je ne suis ni fidèle ni croyant, et je ne vous ai fait part là que de mes modestes réflexions qui n’ont rien de théologiques, mais tout de littéraires.

Commentaires

je l'ai faite finalement ma note.

Écrit par : Tlön | jeudi, 09 juin 2005

Toi qui connais Bach comme ta poche, n'a-t-il pas écrit une de ses magnifiques cantates sur le "Rühre mich nicht an" ?... Il me semble déjà pouvoir imaginer sa lente ouverture pleine de sensualité à la manière du "La ci darem la mano" de Mozart et la voix du Christ soudain, qui interrompt par un brûlant "Ne me touche pas !"

Écrit par : Vrai Parisien | jeudi, 09 juin 2005

ça c'est Mélisande....faut pas confondre

Écrit par : zvezdo | jeudi, 09 juin 2005

C'est rigolo, j'écoutais «Pelléas» de C.D. ce matin :

« MÉLISANDE
(presque sans voix)
Ne me touchez pas! ne me touchez pas!

GOLAUD
N'ayez pas peur…
Je ne vous ferai pas…
Oh! vous êtes belle.

MÉLISANDE
Ne me touchez pas! ne me touchez pas, ou je me jette à l'eau!

GOLAUD
Je ne vous touche pas… »

Dont acte.

Écrit par : sk†ns | vendredi, 10 juin 2005

Toucher Dieu, le porter dans ses mains, étrange logique de l'amour du Christ. Merci pour ses réflexions. Chercher à comprendre la richesse atnhropologique et intellectuelle du message évangélique est peut être une forme de foi, où la marque d'une certaine qualité de regard sur le monde. Merci pour ce site
Pour ma part je retien de la Liturgie l'immortel "enrichis nous, nous qui sommes pauvres" et je me demande si le Christ ne serait pas le premier des capitalistes: http://unvoyageauliban.hautetfort.com/archive/2005/10/24/le-christ-capitaliste.html

Écrit par : l'homme dans la lune | lundi, 24 octobre 2005