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mardi, 07 juin 2005

Noli me tangere- Ne me touche pas - Rühre mich nicht an

J’ai pris l’habitude, lorsque je me rends à un spectacle où le placement est libre, de partir tôt, et de prendre avec moi un livre pour tromper l’attente.
C’est ainsi que samedi soir dernier, je me suis retrouvé au Temple du Hâ à feuilleter Noli me tangere de Jean-Luc Nancy en attendant le début du concert de Sagittarius consacré à deux cantates de Bach (BWV 198, Laß, Fürstin, laß noch einen Strahl, magnifique ode funèbre, et la bien connue BWV 147 Herz und Mund und Tat und Leben).

Pourquoi avais-je choisi cet ouvrage… Il était sur le haut d’une des piles de livres à lire, toujours prêtes à s’effondrer, et il m’interpellait depuis plusieurs jours déjà. En outre, je venais de classer les nombreuses cartes postales acquises à la National Gallery de Londres, parmi lesquelles figurent le tableau que Le Titien a peint sur le sujet de l’apparition de Jésus à Marie-Madeleine.


Ce choix ne fut pas excellent, le brouhaha m’empêchant de lire un texte qui nécessite une certaine concentration. D’habitude, je me munis plutôt de poètes, Pierre-Jean Jouve récemment.

L’opuscule de Jean-Luc Nancy m’avait été conseillé par Dominique Autié, à la suite d’une sienne note pascale, traîtant d’une autre apparition de Jésus après sa Résurrection, aux pélerins d’Emmaüs en l’occurrence.
Entre toutes ces épiphanies, Marie-Madeleine a ma préférence, par ce qu’elle signifie de la puissance de la parole, de la parole du Christ, certes, mais tout autant de la parole humaine, et des mots.

Cependant Marie se tenait dehors près du sépulcre, et pleurait. Comme elle pleurait, elle se baissa pour regarder dans le sépulcre;
et elle vit deux anges vêtus de blanc, assis à la place où avait été couché le corps de Jésus, l'un à la tête, l'autre aux pieds.
Ils lui dirent: Femme, pourquoi pleures-tu? Elle leur répondit: Parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis.
En disant cela, elle se retourna, et elle vit Jésus debout; mais elle ne savait pas que c'était Jésus.
Jésus lui dit: Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu? Elle, pensant que c'était le jardinier, lui dit: Seigneur, si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et je le prendrai.
Jésus lui dit: Marie! Elle se retourna, et lui dit en hébreu: Rabbouni! c'est-à-dire, Maître!
Jésus lui dit: Ne me touche pas; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.
Marie de Magdala alla annoncer aux disciples qu'elle avait vu le Seigneur, et qu'il lui avait dit ces choses.
(Jean XX 11-18, Bible de Segond 1910)


Au calme, je viens seulement d’entamer la lecture de Jean-Luc Nancy. Je peux en revanche vous conseiller dès à présent la lecture de l’Apparition à Marie-Madeleine de Marianne Alphand, Guy Lafon et Daniel Arasse dans la collection Triptyque de Desclée de Brouwer.
Daniel Arasse note à juste titre la difficulté de représentation picturale de l’épisode, par la prégnance de la séduction dans la relation entre les deux protagonistes, voire de son érotisation. Cela n’a pas empêché la réalisation d’un nombre relativement important de tableaux (outre Le Titien, Le Corrège, Holbein, Giotto, Le Pérugin, Pontormo Rubens, Magnasco, Rembrandt, Del Sarto,…).

L’essence de l’esprit d’escalier étant d’être lent, je me suis souvenu, à l’entracte, d’un concert précédent par les mêmes interprêtes, et dans le même lieu, au cours duquel je fus littéralement frappé, émergent d’un flot d’ennui, par ce dialogue de Schütz, notamment l’échange de la révélation, d’une grande intensité, dramatique oserais-je dire, et véritablement prenant :

Dialogo per la Pascua (SWV 443)

Jesus: Weib, was weinest du ?
Marie: Sie haben mein Herren weggenommen und ich weiss nicht, wo sie ihn hingeleget haben. Sie haben Herren weggenommen.
Jesus: Maria !
Marie: Rabbouni !
Jesus: Rühre mich nicht an, denn ich bin noch nicht aufgefahren zu meinem Vater. Ich fahre auf. Ich fahre auf zu meinem Vater und zu eurem Vater, zu meinem Gott.


Si cette œuvre est d’une grande qualité, elle est aussi remarquable par la rareté, me semble-t-il, du thème représenté : Noli me tangere. Je crois en fait ne connaître aucune autre œuvre musicale sur ce sujet – Jean-Luc Nancy signale une Marie-Magdeleine de Massenet que je ne connais pas.

Pourtant, il est probablement plus aisé à un compositeur qu’à un peintre d’éviter l’écueil de l’excessive sensualité de la rencontre. Y aurait-il donc aussi une difficulté particulière de la représentation musicale de cet épisode ?
Il y a là certainement une question à creuser.

Commentaires

Alors là c'est vraiment curieux.
Parce que les gouttes de sueur d'Emma font me fait irrésitiblement, sans que je sache vraiment pourquoi (je voulais en faire l'objet d'une note) aux fleurs rouges qui se confondent avec les marques de la cruxifiction du Noli me tangere de Fra Angelico.
http://gallery.euroweb.hu/html/a/angelico/sanmarco/cells/

Écrit par : Tlön | mercredi, 08 juin 2005

"Parce que je ne suis pas encore monté vers mon Père." N'est-ce pas sur cette réponse qu'il faut s'interroger ?
Merci de rappeler la question.

Écrit par : Alina | jeudi, 09 juin 2005

je confirme que le compositeur francais jules massenet a composé un oratorio sur marie madeleine:il sera donné au festival massenet en novembre 2005 a st etienne

Écrit par : jm | dimanche, 09 octobre 2005

De l'intérêt de laisser les commentaires ouverts: ce commentaire récent de JM me ramène à cette note, qui m'avait alors échappé.

Écrit par : Guillaume Cingal | lundi, 10 octobre 2005

noli me tangere c'est un petit précipité de désir absolu qui rencontre son deuil en même temps que son accomplissement; cette phrase me travaille depuis assez longtemps et j'ai eu envie de l'évoquer plus avant; comme je suis peintre, ça donne une exposition de peinture, au chateau d'eau à Bourges, du 24 février au 26 mars 2006, avec quelques extraits de textes de mon auteur favori: Pascal Quignard; j'ai lu le livre trés intéressant "l'apparition à Marie-madeleine", et Arasse a raison de parler du piège de la représentation de cette scène; ce qui m'a frappée c'est l'ambigüité assez récurrente de cette rencontre quasi amoureuse..

Écrit par : yo | samedi, 28 janvier 2006

L'ambiguïté de ce passage est profonde, à mon sens. Même si la plupart des peintres ont illustré la prise de distance de Christ, chez certains -- dont le Titien -- cette distance est si courte que cela pose question. Chez Antonio Raggi, la mise en scène du "noli me tangere" s'apparente même plus à des retrouvailles qu'à une séparation.

Écrit par : Jean-Marc | mercredi, 06 décembre 2006

Si la représentation picturale pose des problèmes aux peintres, comme le souligne Daniel Arasse (séduction/érotisation), elle doit en poser encore plus aux sculpteurs (en tout cas aux rares sculpteurs qui, comme Raggi, se sont attaqués au sujet), me semble-t-il, pour les mêmes raisons, mais encore plus prégnantes compte tenu de la présence plus forte des corps, surtout à l'époque baroque (la question n'est d'ailleurs pas réservée au "Noli me tangere", voir la fameuse "Extase de Sainte Thérèse" du Bernin dont j'ai parlé ailleurs dans ce blogue)

Écrit par : Philippe[s] | dimanche, 10 décembre 2006

Je méditais sur ce noli me tangere il y a peu de temps, je l'ai retrouvé au hasard du chapitre d un livre, et je suis heureuse d apprendre qu'il existe une peinture sur ce thème.

L'Empire des lumières comme dirait Magritte, me fait reflechir sur la lumière en peinture et les oeuvres De La Tour sont parmi mes préférés pour ce travail de lumière et d'ombre.

Merci de nous faire partager vos découverte.

Sur le nom Aleph j'aimerais en savoir plus. C'est le nom de Dieu je crois mais je ne sais pas l origine ou l interprétation symbolique de ce mot.

Écrit par : lezynski | mercredi, 14 mars 2007

Oula ! Mais je n'en sais rien !

Écrit par : Philippe[s] | samedi, 17 mars 2007

Noli me tangere.
c'est l'espace d'une idée pris d'un ère spirituel .
je medite tant sur cette phrase qui a pris en moi par une réaction envers les gens que je ne souhaite pas les approcher.
quand qlq'un me blesse je ne sais comment je dit cette phrase ....qui allége mes souffrances.
bien sur un chretiens Algerien dans un pays musulman.

Écrit par : rabah | dimanche, 22 juin 2008