mercredi, 09 mars 2005
Jeu de mots
Rendons à César: ce brillant jeu de mots est d'Anaximandraque
22:10 Publié dans Jeux et choses sans importance, Musique | Lien permanent | Commentaires (6)
mardi, 08 mars 2005
La musique de l'escalier
Lieu commun (Expr. Idée, formule générale souvent répétée et appliquée à un grand nombre de situations ; Péj. Banalité, idée ou argument rebattu) : «Le hasard fait bien les choses»
Hier soir, en écoutant France Musiques, j’ai appris que l’escalier avait une musique !
«Voici Siegfried-Idyll. Je l'ai composée pour en faire une musique matinale que je fis jouer pour la mère de mon Siegfried, un matin de Noël (Cosima est née dans la nuit de Noël), à Triebschen, en guise d'aubade. Le petit orchestre (dix-sept exécutants seulement) était installé dans le vestibule et sur l'escalier, et c'est pourquoi, aujourd'hui encore, ce morceau de musique est appelé par mes enfants la musique de l'escalier.»
(lettre de Richard Wagner à Louis II de Bavière)
23:45 Publié dans Jeux et choses sans importance, Musique | Lien permanent | Commentaires (5)
Opus 111
Je lis depuis longtemps le journal de Renaud Camus. C’est un exercice fort propice à l’esprit d’escalier.
Ce blog me donne l’occasion d’exposer une réflexion qui m’est venue à la lecture de «Fendre l’air – Journal 1989», et qui m’est restée depuis lors (en l’occurrence 1991). C’est aussi l’occasion de rendre hommage à mon second commentateur, grand amateur de Ludwig van Beethoven comme chacun sait, mais qui goûte peu Renaud Camus.
« Pogorelich tire un peu vers le bastringue, par instants, l’espèce de grande fugue qui domine de sa masse abrupte l’adagio pourtant molto semplice e cantabile de la trente-deuxième sonate, après l’arietta qui peut paraître, à de certains moments, comme celui d’hier, justement, ce qu’il y a de plus exquisément sublime (si tant est que ces deux mots puissent souffrir d’être pour quelques secondes, une ou deux minutes même, rapprochés), de plus jouissivement déchirant, dans la musique universelle. Le bienheureux thème rêveur et mélancolique des premières mesures réapparaît Dieu merci dans les toutes dernières, contrairement à ce que semble affirmer Wendell Kretzschmar (et Mann lui-même ?) dans sa fameuse conférence du Doktor Faustus, Pourquoi Beethoven n’a pas ajouté de troisième mouvement à la sonate pour pianoforte opus 111 (il parle d’une conclusion en « triolets rapides et durs ») »
Il y aurait beaucoup à dire sur ce bref passage (notons que Renaud Camus choisit son camp en rattachant molto à semplice e cantabile et non à adagio), mais je relève immédiatement la référence à «Doktor Faustus». Je tiens en effet Thomas Mann pour un des grands écrivains européens du XXe siècle (j’ai malheureusement et lamentablement raté la visite de sa maison natale à Lübeck).
Dans mon souvenir, les conférences de Wendell Kretzschmar étaient particulièrement éclairantes, notamment sur Beethoven («Beethoven et la fugue»). Il convient donc de remonter à la source.
«Enfin, il posa ses mains sur ses genoux, reprit un instant haleine en disant : «Nous y voilà !» et commença le mouvement à variation, l’adagio molto semplice e cantabile.
Le thème de l’ariette dévolu à des aventures et à des destinées auxquelles son innocence idyllique ne semble nullement le préparer entre immédiatement en scène et s’exprime en seize mesures, réductibles à un motif qui se dégage à la fin de sa première moitié, pareil à un bref appel plein d’âme. Trois notes seulement, une croche, une double croche et une noire pointée, scandées à peu près comme «bleu – de ciel» ou «mal – d’amour» ou «a – dieu cher» ou «temps – jadis» ou «pré – fleuri» - et c’est tout. Par la suite, si l’on considère ce que devient cette douce exhalaison, cette formule mélancolique et paisible, sous le rapport du rythme, de l’harmonie et du contrepoint, tout ce par quoi son maître la bénit et la maudit, vers quelles nuits et quelles clartés surnaturelles il la précipite et l’élève, vers quelles sphères de cristal où la chaleur et le froid, la paix et l’extase se confondent, on peut évidemment qualifier tout cela en gros de merveilleux, étrange et excessivement grandiose, sans pour autant définir ce qui par essence est indéfinissable, et Kretzschmar, de ses mains agiles, nous jouait ces métamorphoses inouïes en chantant à gorge déplyée, à l’unisson : «Dim-dada !» et en criant des commentaires : «Les chaînes de trilles ! Les fioritures et les cadences ! Entendez-vous la convention qui subsiste intacte ? […]»
vient un instant, une situation extrême, où le pauvre motif semble planer solitaire et abandonné au-dessus d’un abîme vertigineux et béant, - instant terrifiant et auguste que suit aussitôt son craintif recroquevillement, comme un effarement terrifié que pareil sort lui ait pu échoir. Mais il lui arrive encore beaucoup d’aventures avant de prendre fin. Cependant qu’il s’achève, intervient un événement complètement inattendu et émouvant dans sa douceur et sa bonté, après tant de fureur concentrée, de persistance, d’acharnement et d’égarement sublimes. A l’instant où le motif très éprouvé prend congé et devient un adieu, avec ce ré-sol, sol, un léger changement se produit, une petite extension mélodique. Après un ut initial, il s’augmente d’un ut dièse devant le ré, en sorte que maintenant il ne se scande plus comme «bleu - de ciel» ou «pré – fleuri», mais comme «ô – doux bleu du ciel» ou «gen – til pré fleuri», «a – dieu pour toujours». Et cette adjonction de l’ut dièse est la chose la plus touchante, la plus consolante, la plus mélancoliquement apaisante du monde. C’est comme une caresse douloureuse et tendre sur les cheveux, sur la joue, un suprême et profond regard dans les yeux, pour la dernière fois. Il bénit l’objet, la formule effroyablement torturée, en lui conférant une humanité saisissante et l’approche si doucement du cœur de l’auditeur, pour un adieu, un éternel adieu, que les larmes vous montent aux yeux. «Ou – blie ton tourment !» est-il dit. «Grand – fut Dieu en nous.» «Tout - n’était qu’un songe.» «Res – te-moi fidèle.» Puis une brisure. Des triolets rapides, durs, se hâtent vers un dénouement quelconque qui eût pu tout aussi bien terminer un autre morceau»
Nous y voilà !
Naturellement, je vous invite à écouter cette sublime arietta. Et après avoir lu Thomas Mann, vous ne pourrez pas manquer d’avoir le cœur transpercé par cet ut dièse, répété à la mesure suivante. Evidemment, après cette acmé, les «triolets rapides, durs» sont d’une grande banalité, mais, par cette banalité même, ils ramènent l’auditeur à la réalité terrestre, au «dénouement quelconque» de ce chef d’œuvre.
Quelconque, peut-être, mais nécessaire ; car, et nous revenons à Renaud Camus, dans ces dernières mesures réapparaît une dernière fois le «thème rêveur et mélancolique», avant un ultime renversement.
Il fallait bien cela pour arriver au bout du voyage.
Je vous promets que dans ma prochaine note, j’abuserai moins de la citation !
18:15 Publié dans Littérature, Musique, Renaud Camus | Lien permanent | Commentaires (6)
dimanche, 06 mars 2005
Incipit en forme d'éloge de l'escalier
Communément, l’esprit d’escalier n’est pas considéré comme une vertu.
Il n’est effectivement pas très glorieux de ne trouver le bon mot qui aurait fait l’admiration de tous, qu’en bas de l’escalier.
L’esprit de répartie est en revanche admiré ; la promptitude, la vivacité, le piquant, le sens de l’à-propos, l’intelligence brillant de tous ses feux, que voilà des qualités appréciées d’un convive ou d’un débatteur.
Alors que l’esprit de l’escalier est signe de lourdeur, d’engourdissement, de balourdise, d’ennui.
Lieux communs que tout cela !
Car, enfin, qu’est donc que la répartie, sinon un réflexe, alors que l’esprit de l’escalier est tout au contraire le produit de la réflexion. Et je pense la réflexion préférable au réflexe.
L’escalier en colimaçon a ma préférence, car son esprit est supérieur. Naturellement, pour le percevoir, il faut monter, et non descendre. Mais vous tournez en rond, me répliquera-t-on ! Bien sûr, si vous ne considérez que la vision en plan.
D’une idée à une autre, d’un tableau à une lecture, d’une lecture à une autre, du théâtre à la musique, d’une époque à une autre, de la géographie à l’histoire, d’un art à l’autre,vous progressez dans les étages !
Oh certes, vous n’ébaubissez pas l’assemblée, mais votre vision s’élargit, vous vous enrichissez, et il ne tient qu’à vous d’enrichir les autres.
Amis lecteurs, fuyez l’esbrouffe et venez partager avec moi l’esprit de l’escalier.
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