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mercredi, 14 mai 2008

Wozzeck, Marie et Marie-Madeleine

J’étais loin de me douter que, me rendant le 19 avril dernier à une représentation de Wozzeck (Alban Berg) à l’Opéra Bastille, j’allais rencontrer de nouveau Marie-Madeleine et le Noli me tangere, qui m’occupèrent voilà quelque temps (mes lecteurs les plus fidèles s’en souviennent peut-être).
J’avais été frappé en son temps par une rare occurrence de Rühre mich nicht an dans une œuvre musicale (un Dialogue pour la Pâque de Schütz). Je fus donc étonné (ne connaissant pas suffisamment Wozzeck pour le savoir auparavant) d’entendre à deux reprises ce cri dans la bouche de Marie, concubine de Wozzeck (et mère de son fils), et amante vénale du Tambour-Major.

Acte I scène 5 : après avoir mollement résisté au Tambour-Major, elle lui cède, contre une paire de boucles d’oreille

MARIE
(reisst sich los)
Rühr mich nicht an!

TAMBOURMAJOR
(richtet sich in ganzer Grösse auf und tritt nahe
an Marie heran; eindringlich)
Sieht Dir der Teufel aus den Augen?!
(er umfasst sie wieder, diesmal
mit fast drohender Entschlossenheit)

MARIE
Meinetwegen, es ist Alles eins!
(sie stürzt in seine Arme
und verschwindet mit ihm in der offenen Haustür)


Acte II scène 3 : Wozzeck reproche violemment à Marie sa liaison avec le Tambour-Major ; Marie lui dit de ne pas la toucher, et qu’elle préférerait être poignardée que d’avoir sa main sur lui (elle sera effectivement poignardée par Wozzeck)

MARIE
Rühr' mich nicht an!
(Wozzeck lässt langsam die erhobene Hand sinken)
Lieber ein Messer in den Leib, als eine Hand auf mich.


Par deux fois, donc, dans une sorte de pied-de-nez et de renversement grinçants, c’est la femme qui prononce le noli me tangere, et par deux fois l’homme n’obéit pas à l’injonction, et la touche.

Ces références à Marie-Madeleine ne sont nullement le fruit du hasard, car au début du troisième acte, Marie implore le pardon divin en citant Luc 7-38 (l’épisode de la femme pécheresse chez le pharisien (l’évangéliste ne nomme pas la femme pécheresse, toute la tradition l’a assimilée à Marie-Madeleine)).

Acte III scène 1

MARIE
Und trat hinten zu seinen Füßen und weinete, und fing an, seine Füße zu netzen mit Tränen und mit den Haaren ihres Hauptes zu trocknen, und küssete seine Füße und salbete sie mit Salbe



Mais pour Berg (ou Büchner, je ne sais qui est à l’origine de ces Rühr mich nicht an), il n’est en aucune manière question de rémission des péchés, et nul bain de larmes ou flacon de parfum ne viendra apporter le salut à Marie, qui mourra par la lame qu’elle avait appelée.


19 avril 2008 Opéra Bastille – Wozzeck – Alban Berg - Direction musicale Sylvain Cambreling, Mise en scène Christoph Marthaler – Wozzeck Simon Keenlyside, Tambourmajor Jon Villars, Andres David Kuebler, Hauptmann Gerhard Siegel, Doktor Roland Bracht, Marie Angela Denoke, Margret Ursula Hesse von den Steinen, Erster Handwerksbursch Patrick Schramm, Zweiter Handwerksbursch Igor Gnidii, Der Narr John Graham-Hall – Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Choeur d’enfants de l’Opéra national de Paris

Commentaires

"Ne me touchez pas ! ou je me jette à l'eau..."

Écrit par : Mélisande | jeudi, 15 mai 2008