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jeudi, 14 juin 2007

Un trousseau de clef[s]

Depuis quelques jours, mon blogue reçoit régulièrement des visites en provenance de ce billet de Monsieur KA. Huitième note consacrée à la perspective, elle renvoie incidemment à un jeu et un mystère que j’avais proposés à mes lecteurs à mon retour de Londres en 2005.
Cet afflux soudain m’a rappelé un échange de messages avec Monsieur KA, dans lequel celui-ci me faisait part, au temps ancien où je figurais dans sa liste de liens, de son souhait de rédiger un texte autour des clefs. N’ayant rien vu venir, je me permets de lui griller la politesse, en proposant quelques rôles tenus par la clef en peinture.

L’idée étant partie du tableau de Jan Steen, La Leçon de clavecin, daté de 1660, toutes les illustrations seront tirées d’œuvres du XVIIème siècle.

La clef, en premier lieu, est présente en tant que clef (key is a key is a key is a key) permettant de fermer une porte (Ceci est une clef).

La porte d’une armoire dans le tableau de Pieter de Hooch, Intérieur avec deux femmes près d'une armoire à linge, peint en 1663


La porte d’un salon donnant sur un couloir dans Les pantoufles, toile de Samuel van Hoogstraten, datée vraisemblablement de 1658. L’ostentation du trousseau est plus marquée et n’est certainement pas innocente, en relation avec les pantoufles abandonnées.


La porte d’une prison, celle de Saint-Jean-Baptiste, dont la tête est remise à Salomé dans l’œuvre du Guerchin visible à Rennes (1657). Les clefs, brillant dans l’ombre au centre du tableau, ont permis l’ouverture de la geôle du saint, mais pour le livrer à son bourreau.


A mi-chemin entre le symbole et la réalité, les vaincus offrent à leur vainqueur la clef de leur cité.

Justin de Nassau remet ainsi les clefs de Breda à Ambrogio Spinola, dans le fameux tableau de Velázquez, Les Lances, peint en 1634.


S’éloignant du réalisme, les clefs de Saint-Pierre ouvriront les portes du Paradis aux âmes méritantes.

Au pied du tombeau vide de la Vierge, en pleine Assomption, chez Laurent de la Hyre (1635)


Au pied de la colonne de souffrance du Christ chez Murillo (1675)



Les vanités et les natures mortes sont avares en clefs. Leur rare présence offre pourtant matière à de profondes réflexions sur le temps qui passe, quand elles servent à remonter une montre, substitut au traditionnel sablier.

Au côté de la lampe à huile en train de s’éteindre, et du verre, fragile et renversé, la clef de la Vanité de 1630 de Pieter Claez représente tout à la fois l’espoir d’une perpétuation du mouvement de la montre, et de la vie, mais aussi la fragilité de cet espoir suspendu dans le vide à un petit ruban bleu.


Après ce moment de philosophie, le retour à Jan Steen est un peu trivial, car chez lui, et à plusieurs reprises, la clef a un caractère grivois.


Que ce soit le professeur de clavecin et sa jeune élève (1660), le vieux client et la jeune servante dans la taverne (1660), ou encore le oude vrijer et la jonge meid dans la cuisine (1665), nous sommes en présence d'un vieillard libidineux convoitant la virginité d'une demoiselle.


La clef ouvrira-t-elle la voie au vieil homme, ou protègera-t-elle la jouvencelle ? L'histoire ne le dit pas.







La clef dissimulée par Hoogstraten dans sa Vue d’un couloir (1662), et ses pièces en enfilades, est plus étrange.


En effet, accrochée à la colonne au premier plan, elle est presqu’invisible, et pourtant on ne voit qu’elle. Mais qu’ouvre-t-elle donc ? Point de vieillard libidineux à l’horizon pour la métaphore, point de porte, d’armoire ou de coffre !








Cependant, une demoiselle est bien là, accompagnée de deux messieurs (il s’agit presque d’une scène de Vermeer, vue de dos à travers la vitre). La clef et la volière ouverte laissent elles présager la suite de la scène ? Le petit oiseau va-t-il s’envoler ?









Enfin pour terminer ce tour de clefs, et ne pas laisser croire que seul le XVIIème siècle s’y est intéressé, voici un tableau de Fragonard, la Leçon de musique, sans vieillard, mais non sans trouble.




Mise à jour (20 juin) : il n'y a naturellement pas de clef dans le tableau original de Fragonard. C'est la clef de Steen qui a voyagé depuis la Wallace Collection !

19:15 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (10)

Commentaires

Comme d'habitude tu sais élever le débat et rendre ce qui pourrait paraître à certains insignifiant très intéressant

Écrit par : Philoo | jeudi, 14 juin 2007

Superbe travail, très cher : on en a l'oeil qui frise...

Écrit par : Didier Goux | vendredi, 15 juin 2007

Escroc !!

Écrit par : Fragonard | vendredi, 15 juin 2007

Exellent billet ! Il me rappelle ce proverbe chinois que j'affectionne : "La bonne clef ne suffit pas, il faut aussi la bonne serrure."

Écrit par : Damien | samedi, 16 juin 2007

(Excellent)

Écrit par : Damien | samedi, 16 juin 2007

Ah tu as bien fait de me griller la politesse, parce que des promesses du genre "je vais faire un billet sur…", j'en ai formulées quelques-unes et n'en ai concrétisées que peu ;-)

Cela dit, je te signale que le monsieur qui a signé l'un des commentaires sous le nom de Fragonard est un vil usurpateur, oui. Doit-on prendre son accusation à la légère ? Ceci est une autre histoire, comme aurait dit Gustave Kipligne à la caissière du Louvre.

Écrit par : KA | samedi, 16 juin 2007

Vraiment passionnant. Merci.

Écrit par : Irremplaçable Épouse | samedi, 16 juin 2007

Superbe. Merci.

o---:::

Écrit par : lipcare | lundi, 25 juin 2007

Merci !

Écrit par : ckankonvaou | mardi, 17 juin 2008

Bonsoir,
Au sujet de la mosaïque d'images tout en haut de votre page, pour ainsi dire son frontispice, il y a un regard en noir et blanc (en partant du coin supérieur-gauche, à la 3ème ligne en bas on arrive à Bach, puis de 3 cases en allant à droite) : est-ce Monteverdi ?

En partant maintenant du coin inférieur droit, s'agit-il bien de Siméon Chardin ? Puis, au-dessus et à gauche de lui : est-ce Spinoza ?

Enfin, le 4ème portrait sur la droite, en partant de nouveau du coin supérieur gauche, est-ce Wagner ou Gauss ?

J'aime les peintures qui sont sur cette page. J'ai un fort penchant pour les pantoufles de Samuel Van Hoogstraten et leur mystérieuse pénétration de l'espace par une perspective intelligemment curieuse.

Écrit par : Karim | mardi, 06 novembre 2012