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mercredi, 18 avril 2007

Thérèse philosophe

Après quelques désastreuses expériences théâtrales à Chartres, il nous est venu, il y a quelque temps, le désir de voir du théâtre véritablement contemporain – contemporain du point de vue de la mise en scène.
En feuilletant au hasard les programmes des salles susceptibles de répondre à l’assez vague cahier des charges (Chaillot, l’Odéon, le théâtre de la Ville…), nous avons jeté notre dévolu sur Thérèse philosophe, un texte du XVIIIe siècle attribué à Boyer d’Argens et mis en scène par Anatoli Vassiliev à l’Odéon.

Pour quelles raisons ?
Ma foi, uniquement sur la consonance russe du nom du metteur en scène et de vagues impressions d’avoir lu ou entendu des critiques alléchantes (au regard du cahier des charges, bien entendu).

Ce n’est qu’en arrivant dimanche dernier aux Ateliers Berthier, où a été hébergé le Théâtre de l’Odéon pendant les travaux de sa salle principale, que Philippe s’est souvenu, en grand lecteur de textes libertins qu’il fut, que Thérèse philosophe pourrait bien être un roman érotique de l’époque des Lumières (quoique en fait, il ait plutôt lu Juliette philosophe ou l'Anti-Thérèse).
La lecture du programme confirma tout cela, et aussi qu’Anatoli Vassiliev ne décevrait probablement pas notre attente d’avant-gardisme (si l’on peut encore prononcer ce mot).


...le rubicond priape de Sa Révérence...


L’univers et les partis pris du metteur en scène sont très forts : utilisation de machines et d’accessoires, et surtout imposition aux acteurs d’une énonciation tout à fait particulière de la langue classique. Volume sonore, phrasé, intonation, articulation, pause et silence, absence totale de liaison, l’on assiste là, quasiment, à la transformation d’un texte théâtral en partition musicale ; l’absolu contraire du travail d’un Eugène Green sur la reconstitution de la langue des XVIIe et XVIIIe siècles.
Je ne sais s’il s’agit d’une marque de fabrique vassilievienne appliquée à toutes les œuvres qu’il met en scène (à l’instar des lumières et de la gestique de Bob Wilson) ; je l’imagine volontiers.
En l’occurrence, le texte ainsi trituré, quoique parfaitement compréhensible (du moins dans les deuxième et troisième parties), perd un côté désuet et daté dans lequel une lecture plus traditionnelle pourrait le faire tomber. De plus, il atteint, par l’attention soutenue qu’il requiert, au plus profond des spectateurs (longtemps après les images et les voix restent encore dans la tête).

Si les partis pris s'imposent, il n’y a cependant aucun systématisme et chacune des trois parties est traité différemment. Je dois bien avouer que la première m’a été plutôt insupportable, d’abord par le sujet (les stigmates, la pénitence mystique qui vire à la débauche sexuelle, l’exaltation hystérique…). J’ai bien failli partir (ce que j’aurais fait si j’avais été seul).
Cela aurait été dommage, car la suite fut passionnante, dès lors que l’on a accepté de rentrer dans l’imaginaire du metteur en scène.

Une telle conception ne résiste naturellement que grâce aux acteurs, Valérie Dréville et Stanislas Nordey, qui sont excellents et font une véritable performance. Je n'aurai garde d'oublier les deux musiciens protagonistes, dont un contrebassiste qui monte à l'échelle avec son instrument (Kamil Tchalaev et Ambre Kahan)

Quant au texte lui même, s’il est très anticlérical, il est tout aussi contre l’esprit des Lumières. Deux extraits de la conclusion illustrent cette ambivalence :

Oui, ignorants ! la nature est une chimère, tout est l’ouvrage de Dieu. C’est de lui que nous tenons les besoins de manger, de boire et de jouir des plaisirs. Pourquoi donc rougir en remplissant ses desseins ? Pourquoi craindre de contribuer au bonheur des humains en leur apprêtant des ragoûts variés propres à contenter avec sensualité ces divers appétits ? Pourrai-je appréhender de déplaire à Dieu et aux hommes en annonçant des vérités qui ne peuvent qu’éclairer sans nuire ?

Je vous le répète donc, censeurs atrabilaires, nous ne pensons pas comme nous voulons. L’âme n’a de volonté, n’est déterminée que par les sensations, que par la matière, La raison nous éclaire, mais elle ne nous détermine point. L’amour-propre (le plaisir à espérer ou le déplaisir à éviter) sont le mobile de toutes nos déterminations. Le bonheur dépend de la conformation des organes, de l’éducation, des sensations externes […]


Je ne prendrai pas le risque de donner un conseil, mais si vous aimez les expériences dérangeantes...



Thérèse philosophe, texte attribué à Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’Agens ; mise en scène, adaptation, machines Anatoli Vassiliev ; scénographie et lumière Igor Popov ; costumes et accessoires Antal Csaba ; musique créée et jouée par Kamil Tchalaev ; avec Valérie Dréville, Stanislas Nordey et Ambre Kahan

Commentaires

Eugène Green ?

Écrit par : Etienne | mercredi, 18 avril 2007

Oh ! ça ne va pas fort (corrigé)

Écrit par : Philippe[s] | mercredi, 18 avril 2007

il reste un contrebassite (sybarite ?)

Écrit par : zvezdo | mercredi, 18 avril 2007

Pour dire toute la vérité vraie, je n'ai écrit cette note (la rédaction de compte-rendu est une chose qui m'est difficile) que pour avoir le plaisir de publier la photo (volée).

Écrit par : Philippe[s] | jeudi, 19 avril 2007