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lundi, 19 décembre 2005

Le songe de Vittore

J'ai régulièrement la curieuse manie de vouloir vérifier les assertions que je lis. Aussi, je me suis empressé de rechercher les cuisses bien moulées et les ravissantes petites fesses dans le cycle de Sainte Ursule de Carpaccio, à la lecture de cet extrait de La Reine Albemarle ou le dernier touriste de Jean-Paul Sartre:
Carpaccio, peintre assomant de scènes religieuses auxquelles il ne croit pas. La Présentation de Jésus au Temple. Oui, c'est bien peint. Et après. Ennuyeux de fausse noblesse, de mouvement conventionnel. Heureusement il y a le Carpaccio de Sainte Ursule. Très assurément pédéraste. Car enfin sainte Ursule ne paraît guère. On perd en temps fou à nous montrer une ambassade, sa réception, son retour, les noces. Et puis, on précipite les choses, on nous montre enfin la sainte, après un tableau médiocre où elle est endormie, mais c'est pour la faire massacrer. Par contre, quel bonheur il a de peindre les cuisses bien moulées, les cheveux d'or des compagnons de la loge et leurs ravissantes petites fesses. Haine de la femme. C'est cet amour des hommes qui fait la beauté des tableaux, leur humanisme.





















L'analyse de Sartre n'est pas inintéressante ; en particulier, la Présentation de Jésus au Temple me semble effectivement conventionnelle comparée à Bellini. D'autre part, les cuisses, les fesses et les visages mal rasés sont bien ravissants. Mais je m'élève contre l'emploi du terme pédéraste, car il s'agit bien ici de l'amour des hommes, et non des éphèbes, et en bon zélateur de Cratyle, je pense que les mots ont un sens.

Commentaires

Je suis tout à fait d'accord avec vous sur l'abus que l'on fait du mot « pédéraste » ; dans le contexte bien-pensant actuel, s'il fallait que tous ceux que l'on désigne comme pédérastes le soient vraiment, toutes les prisons du monde, même celles de Georges Bush, secrètes et publiques, ne suffiraient plus à les contenir. Le mauvais usage du terme pédéraste ma toujours agacé, d'abord chez Sartre, et chez tous nos contemporains qui perpétuent cette erreur. On nous répondra que la langue évolue et que l'usage fait la loi ; comment alors peut-on prétendre expliquer le sens des mots par leurs racines ?

Écrit par : Alcib | mardi, 20 décembre 2005

le Songe de Sainte Ursule, un "tableau médiocre" ? non un des plus beaux du cycle (comme la Vision de Saint Augustin à San Giorgio degli Schiavioni)

Écrit par : guillaume | mardi, 20 décembre 2005

Je suis bien d'accord

Écrit par : Philippe[s] | mardi, 20 décembre 2005

Consultons Le Robert (ed 1963)
Pédérastie :"Commerce charnel de l'homme avec le jeune garçon et par extension toute pratique homosexuelle masculine."
La difficulté reside bien sûr dans le par extension...(Je rappelle toutefois que dans le Cratyle, Socrate renvoie dos à dos Hermogène et Cratyle et ce dernier au prétexte qu'on ne peut nier l'histoire. Socrate essaie de maintenir une tension entre les deux protagonistes...)
Assez curieusement Le Robert donne une citation de Gide, tirée du Journal (1918), qui semble infirmer sa propre définition:
"J'appelle pédéraste celui qui comme le mot l'indique s'éprend des jeunes garçons. J'appelle sodomite...celui dont le désir s'adresse à des hommes faits.
J'appelle inverti... "
La suite de la citation se trouve à l'entrée inverti : " sujet atteint d'inversion sexuelle" qui renvoie à Homosexuel et à Pédéraste.
" J'appelle inverti celui qui dans la comédie de l'amour assure le rôle d'une femme et désire être possédé"
L'article homosexuelle "celui ou celle qui éprouve une appétence sexuelle plus ou moins exclusive pour les individus de son propre sexe" renvoie à Pédéraste et Sodomite. et donne une citation de Maurice Sachs tiré de Allias.
"Chaque äge, chaque classe ont comme cela leur façon particulière de désigner une même chose ou d'attribuer par des mots différents un même qualificatif : le collégien dit un pédé, quand le médecin dit un homosexuel, la femme : un anormal, le journaliste : un inverti, l'homme fort : une sale tante, le barman montmartois : une folle etc...."
(A propos de Sachs, personnage pour le moins curieux on peut consulter
http://www.excentriques.com/sachs/index.html )
Sodomite : "Celui qui se livre à la sodomie" renvoie à Pédéraste avec la remarque suivante : Certains dise sodomiste (cf Proust, Sodome et Gomorrhe)
"On dit sodomite, Monsieur, répondait Verlaine au juge qui lui demandait s'il était vrai qu'il fût sodomiste" (Gide -Journal-1918)

A part ça " Le Songe" est un magnifique tableau

Écrit par : Tlön | mardi, 20 décembre 2005

Mais qui utilise encore ce mot de "pédéraste" ? On dit plutôt "pédé", et il me semble que le mot a perdu sa connotation de jeunesse en même temps que sa dernière syllabe... C'est peut-être une erreur étymologique, puisque c'est justement la racine grecque "paidos" qui signifie enfant, mais tout l'intérêt de l'étymologie, c'est justement que la langue évolue, n'en déplaise à Cratyle...

Écrit par : Damien (de sable) | mardi, 20 décembre 2005

ça date de quand, ce texte de Sartre ?

Écrit par : zvezdo | mardi, 20 décembre 2005

Je veux bien que la langue évolue, mais quand on utilise un terme précis pour désigner le général, je ne crois pas que ce soit une évolution qui enrichisse la langue. Si le mot « cantate » devait désigner toute la musique ou le mot « roman » contenir tout ce qui est écrit, comment ferions-nous pour nous comprendre ? L'évolution que l'on défend est trop souvent niveleuse de toutes les nuances et de toutes les subtilités et, par conséquent, contraire à l'intelligence.

Écrit par : Alcib | mardi, 20 décembre 2005

Début des anées 50.

Écrit par : Tlön | mardi, 20 décembre 2005

Je ne connais pas ce texte de Sartre, mais pour répondre à la question que je crois déceler dans celle de Zvezdo, je peux dire que dans les années 60, on utilisait déjà le terme « pédéraste » à toutes les sauces...
Quant au dictionnaire Robert et au Larousse, même s'ils restent des indispensables outils de référence, je considère qu'ils se sont pas mal discrédités ces dernières années en acceptant dans leurs pages des termes qui sont utilisés, certes, mais qui ne sont pas forcément acceptés dans les sociétés où l'on en constate l'usage. Je pense à de nombreux termes québécois, par exemple, qui ont fait leur entrée au dictionnaire ; dans bien des cas, je crois que le goût de l'exotisme et un certain paternalime des lexicographes ont guidé les choix plutôt que la rigueur des linguistes.

Écrit par : Alcib | mardi, 20 décembre 2005

Je précise que je donne en référence Le Robert dans sa première édition(1960) élaborée par Paul Robert lui-même. Cette édition ne patit pas des défauts des éditions futures dirigées par Alain Rey
Le Littré (1872) ne connait pas "homosexuel" et pour "pédérastie" donne : vice contre nature (ce qui est un peu court!!)

On peut également faire des recherches sur Pédérastie, Pédéraste, Homosexuel, Homosexualité sur le site du Trésor de la langue française
http://www.lexilogos.com/francais_langue_dictionnaires.htm
et retrouver d'ailleurs deux citations de notre ami JPS.

Le problème Philippe[s] c'est de savoir quand commence l'évolution.
Il me semble que toutes ces citations (en gros la première moitié du XXeme) établissent une équivalence entre homosexualité et pederastie et que ce qui est "condamnée" c'est plutôt l'homosexualité en tant que que telle..O tempora o mores...Au non d'un cratylisme intransigeant, prenons garde ne pas tomber dans l'anachronisme.

Écrit par : Tlön | mercredi, 21 décembre 2005

Ce qui a changé, c'est le regard qu'on y porte. Au XIXe s. homosexualité et pédérastie sont à peu près confondus : c'est de toute façon un vice monstrueux, voire un crime... L'homosexualité a été peu à peu acceptée par l'ensemble de la société, à quelques réticences près, tandis que le tabou porté sur la pédophilie s'est renforcé.

Écrit par : Damien (de sable) | mercredi, 21 décembre 2005

Hum, Damien, il me semble qu'il y a loin de la coupe aux lèvres entre pédérastie et pédophilie, non?

Écrit par : Kate | mercredi, 21 décembre 2005

Maintenant oui, c'est peut-être pour ça que le mot "pédérastie", qui est ambigu sur la question fondamentale aujourd'hui de l'âge, est tombé en désuétude...

Écrit par : Damien | jeudi, 22 décembre 2005

Dans pédérastie, il y a "eraste": l'aimant.

Écrit par : Kate | jeudi, 22 décembre 2005

Je crois qu'il y a parfois dans l'utilisation du terme « pédéraste », notamment chez Sartre, la volonté de parler de relations entre mâles sans leur donner une connotation négative. Dans les années 50 et 60, le terme « homosexuel » n'était pas encore, il me semble, bien accepté dans la société ; la réalité qu'il désignait l'était encore moins, sauf chez les vedettes, les artistes, à condition qu'ils soient discret sur la façon de vivre leur vie. Donc le terme homosexuel était connoté négativement ; alors qu'au contraire, il y avait dans le terme « pédéraste » un élément de culture qui élevait les esprits au-dessus de la chair, de la relation charnelle. Alors qu'homosexuel fait penser à une maladie, au sexe directement, la pédérastie fait référence à l'amour et au jeune, pas forcément à une relation sexuelle. Il existe encore des hellénistes qui affirment que dans l'Antiquité, la relation pédérastique se tenait loin de la relation sexuelle entre l'éraste et l'éromène... Je connais un Amérindien qui a une fonction importante dans sa communauté ; en raison de son rôle dans la communauté, on lui confie des adolescents, qu'il héberge chez lui afin de parfaire leur éducation ; c'est bien clair pour tout le monde qu'il y aura forcément relations sexuelles entre cet adulte et cet adolescent. On n'en parlera simplement pas ; cela fait partie de leurs coutumes, de leurs traditions. Et venant d'un peuple qui n'avait pas de « culture » écrite, on ne peut pas dire qu'ils aient été influencés par les Humanités gréco-latines ou pervertis par les romans de Roger Peyrefitte.... Dommage qu'il ne soit plus là pour nous en parler, ce cher roger Peyrefitte car, dans le domaine de la pédérastie... et de la langue, il s'y connaissait bien.

Écrit par : Alcib | vendredi, 23 décembre 2005

Si (como el griego afirma en el Cratilo)
el nombre es arquetipo de la cosa,
en las letras de rosa está la rosa
y todo el Nilo en la palabra Nilo.

Écrit par : selian | vendredi, 23 décembre 2005