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jeudi, 23 juin 2005

Un autre visage


En écho à Guillaume, le reflet dans un miroir de Madame Moitessier, par Ingres.


Jean Auguste Dominique Ingres Mme Moitessier (détail)


Ingres a souvent des malices : il réussit la partie supérieure de ses tableaux. Le bas l’ennuie, il le remplit avec ce qu’il reste du haut, laisse pendre des pieds de mastic, les draperies comme des torchons : il ne peut finir et lèche pourtant.
Je coupe, par respect, dans ses tableaux la partie inutilement minutieuse. Voici dans le tiers supérieure du portrait de Mme Moitessier, un esprit, une finesse et une invention d’humour. Le modèle semble assez spirituel pour s’abandonner à une métamorphose ; gêné par l’abondante beauté de la dame, Ingres a scrupuleusement fait le portrait de sa robe : une nappe de phospènes, d’insectes inconnus et d’incertains papillons, à périr d’ennui ; j’ampute cette partie. La peau blanche, les épaules arrondies sont d’une beauté d’époque (et ce rosé très prisé de la carnation «couleur truie», le dernier chic du charme bourgeois, le sang laiteux donnant la peinture d’une peau faite pour les perles). […]
Tout l’esprit du portrait, la malice du sujet en sont l’accident, l’intelligence du miroir qui sauve, par-derrière, l’insignifiance replète de la dame pour sa métamorphose en chose plate. Une chose plate et un profil perdu. […]
Le reflet tient à la figure non comme l’ombre s’attache au corps mais comme la pensée du visage embaumé par la pose. Et le reflet s’en va, emportant le secret d’une lueur de malice dans le regard : il rêve et se modèle ainsi sous d’autres doigts comme une partie façonnée en glaise ou en cire. Et jusqu’où ? Le rêve au miroir de Mme Moitessier est l’avenir assuré de son visage sauvé de l’ennui par un Picasso des années 1920. Et tout s’y plie. Le reflet est impossible, faux, et supposant au moins un miroir concave. La main cependant a changé de nature : plus rien du nu obscène. Le profil a accusé sa caricature en celui d’une gardienne d’oie, le nœud de tissu de la coiffure compense spirituellement le profil ainsi alourdi, ajoute une bigarrure sombre au visage terni, au visage éteint, à la réalité d’un modelage.
Jean Louis Schefer Une maison de peinture


Pablo Picasso Femme au chapeau blanc (détail)

21:55 Publié dans Peinture | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

les ressemblances sont trompeuses (si j'ai bien lu la Méprise de Nabokov)

Écrit par : guillaume | samedi, 25 juin 2005

tiens, je viens de lire que cette dame avait une tache sur la robe "à périr d'ennui", au niveau du genou (ce qu'on ne voit pas ici....)

Écrit par : zvezdo | lundi, 08 août 2005

Tu as lu ça où ?

Écrit par : Philippe[s] | mardi, 09 août 2005