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mercredi, 25 mars 2009

Avant la chute

La Cathédrale n’est pas le seul chef d’œuvre incomparable qu’abrite la ville de Chartres. En effet, le Musée des Beaux-Arts accueille une collection de clavecins comprenant quelques merveilles uniques en leur genre – quoique sur une échelle plus modeste que le monument dédié à Notre-Dame – en particulier le Couchet-Blanchet-Taskin (dénommé classiquement du nom de ses facteurs successifs), fameux instrument français du XVIIIe siècle, qu’aurait touché Mozart, dit la légende, lors de son séjour parisien.

Français on ne peut plus, malgré une origine flamande due au facteur Joseph Jean Couchet (au XVIIe siècle), car entièrement reconstruit en 1757 par François-Etienne Blanchet, puis « refait par Pascal Taskin à Paris 1778 » (le caractère français et non flamand de l’instrument est si affirmé qu’il est parfois simplement appelé « Blanchet-Taskin ») . Mais chartrain on ne peut moins (ou en tout cas de façon plus fragile), car mis en dépôt au musée par le grand claveciniste et collectionneur Kenneth Gilbert (dont on sait le caractère ombrageux, et qui aurait été fâché par la désinvolture des édiles locaux (à l’instar de la descendante d’un fameux peintre qui s’apprêterait à … (je ne peux en dire plus))).
Autre mise en dépôt d’un superbe instrument, le clavecin Kroll (instrument français du troisième quart du XVIIIème siècle) de la collection du facteur Marc Ducornet était associé au Blanchet-Taskin pour le premier concert organisé dans le cadre d’une heureuse initiative intitulée « Samedis soirs au musée », qui a pour ambition de mettre en valeur tant le patrimoine instrumental local (même s’il n’est local qu’à titre précaire), que de jeunes musiciens talentueux (dans le sillage d’Olivier Beaumont).


A gauche le clavecin Kroll, à droite le clavecin Blanchet-Taskin


Le 7 mars dernier, Paul Goussot, tout récemment nommé titulaire de la tribune du Dom Bedos de Sainte-Croix de Bordeaux (rare et magnifique orgue français du milieu du XVIIIème siècle), proposait un programme particulièrement en adéquation avec les instruments touchés, puisque composé uniquement de pièces françaises : autour de quelques extraits célèbres des suites de Rameau, une sélection de danses de Louis Marchand, intimes et secrètes dans l’esprit du XVIIème siècle, contrastait fortement avec des brillants exercices de style de Pancrace Royer (brillants mais un peu vains, peut-être ? En tout cas une découverte intéressante).

Paul Goussot a dépassé le stade de l’artiste prometteur ; sa sensibilité, sa virtuosité, son panache et son assurance sont ceux d’un grand artiste, et rendent justice aux œuvres et aux instruments, permettant, dans l’atmosphère magique que constitue l’ancienne chapelle épiscopale (et nonobstant la médiocrité d’une grande partie du public), de s’approcher au plus près d’une perfection d’avant la chute (du clavecin, de cette musique, du lieu et de la civilisation qui les a produits).

Je pense cependant que le choix fait par Paul Goussot de jouer Marchand sur le clavecin Kroll (puissant et sonore), puis Rameau et Royer sur le Blanchet-Taskin (beaucoup plus fragile et délicat, et d’ailleurs bien mal en point à la fin du concert) était une erreur, et que le contraire aurait été préférable.



7 mars 2009 – Ancienne chapelle épiscopale du Musée des Beauc-Arts de Chartres – Paul Goussot (clavecin Kroll et Couchet-Blanchet-Taskin) – Louis Marchand, Jean-Philippe Rameau, Pancrace Royer