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vendredi, 21 juillet 2006

Valeurs, touristes et orgues

J’ai toujours eu un goût particulier pour l’orgue. Cependant, je ne connais guère le répertoire attaché à cet instrument, et j’ai assisté à peu de concerts, ce qui est fort dommage car j’ai vécu dans des villes possédant de fort beaux instruments (l’orgue Silbermann de Saint-Thomas de Strasbourg, ou celui Dom Bedos de Sainte-Croix de Bordeaux par exemple).

StrasbourgBordeaux



A Chartres, j’entends l’orgue depuis mon salon. Je n’ai donc aucune excuse, et je me suis rendu récemment à trois concerts (Eric Lebrun, Christophe Mantoux, Olivier Vernet) du festival international d’orgue, qui se déroule en juillet et en août, et qui s’achève par un concours international en septembre. Cela m’a amené à quelques réflexions.

Il y a une condition d’écoute particulière aux concerts d’orgue du fait que l’on ne voit pas l’instrumentiste (la plupart du temps en tous cas). Il est amusant d’observer comment les auditeurs contournent la difficulté, car je suis persuadé que c’en est une pour le commun des mortels – la concentration sur la seule musique sans le support visuel (qui ressortit parfois à du cirque, confer le nombre de spectateurs qui souhaitent se placer sur le côté droit gauche de la salle dans laquelle va se produire un pianiste, pour voir ses doigts) n’est pas si facile –, qui en se concentrant sur son programme, qui en étudiant les voûtes ou les vitraux, qui en scrutant le buffet d’orgue.
Cette écoute qui devrait être donc plus attentive, est dans les faits, à Chartres, totalement perturbée par les spectateurs eux-mêmes, qui papotent, qui arrivent, qui partent, et par les touristes (oui, je suis touriste plus souvent qu’à mon tour et Didier Eribon gît dans la mémoire vive de l’ordinateur, comprenne qui pourra) qui continuent à déambuler pendant le concert, flashant de ci de là, faisant couiner leurs chaussures de touristes, trimbalant leurs enfants de touristes et lisant leurs guides de touristes. C’est totalement exaspérant, mais absolument prévisible, car les concerts ont lieu le dimanche à 16h45 et sont gratuits (chacun sait que ce qui est gratuit n'a pas de valeur).
Il me semblerait bien préférable d’abolir cette gratuité, quitte à modifier le jour et l’heure, par respect pour les artistes, les compositeurs, et les auditeurs.


Malgré cela (c’était mon quart d’heure vieux râleur), l’orgue est superbe, le lieu magique et les organistes invités de haut niveau. Je m’interroge cependant sur le répertoire, et en particulier sur le répertoire contemporain.
Comme je l’ai dit plus haut, mes connaissances sont limitées, mais j’ai eu la nette impression que les œuvres récentes qui nous ont été jouées, pourtant de différentes époques et origines (même Duruflé, horresco referens), faisaient pâle figure dans le panorama de la musique contemporaine qui compte. Cela est-il un effet d’optique, les compositeurs majeurs n’ont-ils éprouvé aucun intérêt pour l’instrument, ont-ils été rebuté par le contexte ecclésial ? Je suis preneur de vos points de vue et de vos objections.

Commentaires

tu veux dire le côté gauche? enfin le côté jardin quoi...

Écrit par : gvgvsse | vendredi, 21 juillet 2006

gauche, naturellement. Je corrige !

Écrit par : Philippe[s] | vendredi, 21 juillet 2006

"Duruflé, horresco referens" ? Pourquoi? (question en tte naïveté, pour comprendre le non-dit et les références implicites que je ne connais pas.)

Écrit par : VS | vendredi, 21 juillet 2006

Duruflé est généralement considéré comme un compositeur important (son Requiem est très réputé), notamment pour ses pièces d'orgues, mais je le connais peu. Et j'ai trouvé ce que j'ai entendu à Chartres plutôt inintéressant.

Écrit par : Philippe[s] | vendredi, 21 juillet 2006

enfin, tout de même, Messiaen, ce n'est pas rien.....

Vu de l'extérieur, le milieu organiste m'a toujours semblé très réac et très hostile à toute forme d'innovation d'écriture. Et l'orgue reste avant tout l'instrument de la liturgie....Je crois qu'il ne faut pas chercher plus loin l'antinomie entre orgue et musique contemporaine (à de splendides exceptions près: Messiaen, Florentz ? à vérifier)

Écrit par : zvezdo | vendredi, 21 juillet 2006

Aspect liturgique d'une part, mais aussi fascination pour la masse sonore, utilisation de l'orgue en proto-synthétiseur, souvent au détriment de tout aspect rythmique ; du coup, les pièces contemporaines pour orgue sont souvent une suite de grands gros et gras clusters qui s'enchaînent mollement.
A coté de Messiaen, il y a aussi quelques pièces de Ligeti. Mais ce ne sont pas non plus des chefs d'oeuvre. D'ailleurs dans le disque Sony 6 de l'édition Ligeti, consacré aux pièces pour clavier, Ligeti explique que "Volumina" commence par un cluster qui exige que l'on enfonce toutes les touches d'un clavier, tout en tirant tous les jeux couplés à ce clavier. Résultat lors de la première, la gaine isolante des fils électriques a fondu, ainsi que toutes les parties mécaniques en métal mou. Au-delà de l'anecdote, l'idée même (toutes les touches et tous les jeux) me semble caractéristique de la mauvaise utilisation de la puissance de l'orgue, qui réclamerait plus de modestie et plus de finesse... Poussé dans ses retranchements (paroxisme de force, ou au contraire confinement dans des sifflements éthérés), c'est un instrument quasiment inhumain. Or, les compositeurs contemporains aiment tellement utiliser de manière "inédite" les instruments, que leurs contributions pour orgue tombent facilement dans ce piège.

Écrit par : Bladsurb | vendredi, 21 juillet 2006

Sinon, pour entendre du bel orgue contemporain, absolument pas extrémiste, on peut aller à Halberstadt :
http://www.john-cage.halberstadt.de/new/index.php?seite=dasprojekt&l=e

Écrit par : Bladsurb | vendredi, 21 juillet 2006

Ce que vous dites conforte mon impression, me semble-t-il.

Écrit par : Philippe[s] | samedi, 22 juillet 2006