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jeudi, 11 mai 2006

L'ordre et la courbe, la Messe en si à Saint Roch

Restant fidèle à la ligne éditoriale de ce blogue, toute entière dans son nom, je reviens aujourd’hui, bien après les recensions qu’en ont faites Zvezdo et Martin Lothar, sur la superbe exécution de la Messe en si de Jean-Sébastien Bach par le chœur Les Elements, l’ensemble Jacques Moderne, le Café Zimmermann et les solistes (Anne Magouët, Thomas Bauer, Stephan van Dick, Pascal Bertin) dirigés par Joël Suhubiette, en l’église Saint-Roch à Paris le 26 avril dernier.


Comme beaucoup d’œuvre composées pendant ses dernières années, la Messe en si est un manifeste et une synthèse des connaissances musicales et théologiques accumulées par Jean-Sébastien Bach. Elle a d’autant plus ce caractère qu’elle n’a pas, contrairement aux autres grands monuments ultimes (l’Art de la fugue, les Variations Goldberg, les Variations canoniques, l’Offrande musicale), été écrite pour clavier (orgue ou clavecin (en partie pour l’Offrande musicale)), et que le compositeur a usé pour sa composition du réemploi d’œuvres antérieures, technique qui lui a été familière tout au long de sa vie (seul une partie du Credo est originale de ce point de vue).

Dénuée de toute fonction liturgique de par sa longueur, la Messe en si n’en est pas moins construite comme un discours centré sur les souffrances du Christ, et en cela est éminemment baroque. Cette inscription dans la rhétorique baroque était particulièrement bien mise en évidence par les interprètes de Saint-Roch, du fait de leur attention aux mots et aux affects, de leur expressivité fondée sur les timbres, le rythme, les accents, les phrasés. Cet éclairage faisait apparaître comme rarement la géniale appropriation par Bach de tous les styles de son époque (pour faire simple, de la plus sévère polyphonie à l’aria da capo la plus lyrique), et leur fusion au service d’une œuvre cohérente (on retrouve le même caractère fusionnel dans les Goldgerg). Cohérence, oui, car à aucun moment on ne ressent l’impression de morceaux disparates juxtaposés, ou d’une discordance entre deux manières d’écrire.

Nous sommes, avec la Messe en si, devant un grand tout, un grand monument baroque, avec ses piliers – les chœurs imposants –, et ses volutes – les arias expressives. L’ordre et la courbe, au cœur de la dialectique baroque, au cœur de la Messe en si, au cœur de l’œuvre de Jean-Sébastien Bach, tout aussi bien.


L’ordre et la courbe, comme la façade de Saint Roch.

Commentaires

Je me risque rarement à commenter les notes musicales, car je suis un âne bâté en ces matières. Toutefois, je risque un orteil dans la mare, car j'ai, comme seule version de la Messe en si mineur (si c'est la même, déjà...), un enregistrement dirigé par le sieur Corboz, qui me laisse, renard affamé, moyennement alléché. Est-ce grave, docteur ? Quelle version me conseillerais-tu plutôt ?

Écrit par : MuMM | vendredi, 12 mai 2006

Question délicate, car je trouve la plupart des versions que je connais, soit trop "janséniste" (je me comprends), i.e. gommant par trop le caractère expressif de l'oeuvre, soit trop "romantique" (je me comprends aussi) à savoir affichant une expressivité "sentimentale".
En fait, l'équilibre trouvé par Suhubiette me convient parfaitement, mais il n'a pas enregistré l'oeuvre, à ma connaissance.
(la Messe en si par Corboz, c'est le deuxième concert auquel j'ai assisté, dans la basilique de Saint-Maximin en 1982)

Écrit par : Philippe[s] | vendredi, 12 mai 2006

Parfaitement d'accord avec toi sur l'unité organique de cette compil' (miraculeuse, il faut le reconnaître, compte tenu du patchwork qu'elle est au final) mais il faut aussi un chef qui sache rendre justice à cette unité.

De mon point de vue, le seul à être encore meilleur qu'Herreweghe à ce petit jeu est Gustav Leonhardt. Je regrette beaucoup d'avoir manqué Suhubiette.

Écrit par : Ben | samedi, 13 mai 2006

Sans compter que Bach est régulièrement repris en jazz et le plus souvent avec bonheur...

Écrit par : Olivier | samedi, 13 mai 2006

Très belle note. L'architecture baroque de l'oeuvre est très bien vue ! (et admirablement décrite)

Au passage, je suis ravi de voir que Stephan van Dyck se produit toujours en concert, je désespérais un peu de le réentendre depuis son Don Quichotte de Boismortier.

Pour la messe en si et sa discographie, grosse question. C'est un oeuvre pour laquelle je n'aime pas les interprétations trop sèches, aussi je me tourne vers l'excellent Bernard Shaw, ou pire encore, vers Jochum et Scherchen.
Il y a cependant de bonnes versions baroques, parmi lesquelles Koopman ou Hengelbrock. Herreweghe est souvent un peu sage mais il constitue un moyen terme intéressant.
Corboz est un peu à la croisée des chemins... tout dépend dans quel sens MuMM a faim...

Écrit par : DavidLeMarrec | lundi, 15 mai 2006

Herreweghe un moyen terme ? Hum...

Écrit par : Ben | lundi, 15 mai 2006

Ce n'est pas péjoratif. C'est comme lorsqu'on parle de "demi-caractère" ou de "petit format", c'est juste une considération objective, sans lien avec la valeur.

Ici, je veux dire que Herreweghe utilise des moyens baroques, mais avec une esthétique, une rondeur qui font penser au romantisme. Ce n'est ni une option très sèche, ni une option massive.

Disons que pour l'interprétation de Bach, entre Klemperer et McCreesh, Herreweghe est l'exact point médian.

Écrit par : DavidLeMarrec | mardi, 16 mai 2006

Alors là, chuis hyper d'accord :)

Sinon, j'avais beaucoup aimé Marriner autrefois, et Parrott aussi, même si ce genre de version n'est pas musicologiquement correcte. Mais la version définitive reste pour moi Leonhardt en 85...

Écrit par : Ben | mardi, 16 mai 2006

"Nous sommes, avec la Messe en si, devant un grand tout." Comme MuMM, je suis, moi aussi, un "âne bâté" en matière de musique. Mais je n'ai jamais pu écouter la Messe en si (comme l'Adagio d'Albinoni - pourquoi cette association?) sans ressentir un muet ébahissement devant le céleste, le divin.

Écrit par : Kate | jeudi, 18 mai 2006

Parrott, je ne dirais pas que c'est musicalement incorrect pour Bach ; ses options musicologiques ne sont pas approuvées par tous, mais elles existent. Pour Marriner, c'est plus délicat.

Écrit par : DavidLeMarrec | jeudi, 18 mai 2006

Leonhardt 85, c'est exactement pour moi l'archétype de la version "janséniste", et rigoriste à l'excès. (peut-être Gardiner ? j'aime vraiment beaucoup son intégrale des cantates en cours de publication)

Écrit par : Philippe[s] | samedi, 20 mai 2006